Le fumant débat autour de la crise qui secoue le secteur de l’éducation au Bénin continue de nourrir toutes les passions. L’enjeu du sujet est tel que les animateurs de l’émission Zone de la chaine de télévision Canal 3 Bénin ne pouvaient recevoir autres personnes que Paulin Gbénou, le porte parole du front des syndicats des trois ordres de l’enseignement et Adidjatou Mathys, la ministre de l’économie et des finances ; face à face hier, dans un débat « vrai-vrai » qui aura duré près d’une heure et demie d’horloge , les deux hôtes, dans une démarche d’éclaircissement de la lanterne des populations béninoises et de la défense de leur position respective ont tout dit et tout prouvé sauf une chose, la plus importante d’ailleurs : la porte de sortie de crise.
L’après prologue
Le débat d’hier, attendu comme le rendez-vous salvateur pouvant permettre de confondre tel ou tel autre partie et de situer la responsabilité des uns et des autres n’a certainement pas pu combler l’attente des béninois qui, depuis lors savent que nous en sommes encore loin de la reprise du chemin de l’école. Il n’aura, finalement servi qu’à une seule chose : constater que les enseignants ne sont toujours pas prêts à retourner à l’école les mains vides et que le gouvernement, de son côté n’est également pas prêt à prendre le moindre engagement.
Les explications de Paulin Gbénou
Depuis le début de l’émission, Paulin Gbénou avait déjà donné le top d’un face à face atypique en recourant à la Conférence nationale des forces vives de la nation et constitution béninoise du 11 décembre 1990. Rappelant les nombreuses rencontres ayant eu lieu entre le front et le gouvernement, le syndicaliste a remis sur le tapis la préoccupation majeure des enseignants qui est la revalorisation de leur fonction. Il a précisé que l’histoire remonte depuis le Président Mathieu Kérékou qui avait déjà pris un acte portant allocation d’incitation à la fonction enseignante qui était de 7.000/mois depuis 2005. De même, il a rappelé l’engagement du gouvernement d’alors à rencontrer les enseignants tous les 2 ans afin d’une améliorer de ce montant. C’est dans la même dynamique que le Président Boni Yayi a relancé les mêmes discussions en 2008 par l’institution d’un forum sur le secteur de l’éducation. Par un arrêté datant du 1er juin 2008, une allocation 25% du salaire. Ce sont, expliquera un peu plus tard le syndicaliste ces 25% qui seront indexés afin de pouvoir accompagner leur corporation à la retraite.
La réplique de Mathys Adidjatou
La ministre de l’économie et des finances préfère le mot « coopté » à la place de « transformé ». Selon ses propos, les revendications actuelles des syndicalistes sont de nouvelles doléances que le gouvernement ne peut pas, pour l’heure prendre en compte. Dans un compte rendu visiblement préparé, elle a étalé un long chapelet d’actions su gouvernement Yayi à l’endroit des enseignants. En bon éclaireur, elle a rafraichi la mémoire du syndicaliste en lui rappelant que les grévistes étaient d’accords devant Boni Yayi pour reprendre le chemin de l’école. « Le chef de l’Etat a tellement donné que le Bénin risque de perdre a face devant la communauté internationale s’il fait un pas de plus » a-t-elle avancé. Elle en a d’ailleurs appelé aux engagements du Bénin devant les institutions régionales et internationales à ne pas dépasser un certain seuil de notre masse salariale par rapport à nos recettes fiscales.
Les deux parties campées sur leur position
Pour Paulin Gbénou, le Chef de l’Etat est mal entouré puisqu’il s’étonne n’avoir pas eu connaissance de telle ou telle autre partie du dossier. Erreur, répliquera Adidjatou Mathys, le Président ne peut être au courant de tout. Elle justifiera ses propos par le fait que le premier magistrat du pays se fait entourer des spécialistes de telle ou telle autre question. Et sur celle liée aux exigences des syndicats, le gouvernement n’a rien à donner. « On n’a un peu d’argent. Le gouvernement ne manque pas d’argent mais nous ne pouvons pas affecter cela aux enseignants. Il nous faut payer la bourse ; le fonds national de retraite en souffrance ; le fonctionnement des ministères ; le remboursement des emprunts ; la construction des centres de santé, des routes ; les investissements » dira la ministre. Mais les enseignants ne sont plus d’accords avec ce discours. Pour eux, le sacrifice doit être le fait de tous. Donnant en exemple le salaire du Chef de l’Etat béninois en comparaison avec ceux d’un certain Nicolas Sarkosy ou Barack Obama, il est revenu sur la multiplicité des ministères. « Il faut que le sacrifice soit commun ».
Les deux parties proposent
Paulin Gbénou, au nom de ses paires propose que le gouvernement fasse un geste. Le syndicaliste estime que le gouvernement est de mauvaise foi. « Il n’y aura pas d’année blanche » a-t-il assuré. Pourtant, « on ne peut tout de même pas faire une grève pendant tout ce temps et retourner tout simplement après à l’école ». Il serait trop facile, à en croire Gbénou de « retourner à l’école » après toutes ces semaines de grève sans le moindre gain. Pour « ne pas infantiliser le débat », il a proposé qu’une commission soit créée, que les membres de cette commission soient identifiés et que les tâches soient définies. « J’ai cherché toutes les portes de sortie » révélera t-il mais le Gouvernement ne veut pas donner un contenu à la question de revalorisation de la fonction enseignante. Adidjatou Mathys demandera « Tonton paulin » d’appeler ses paires au retour dans les écoles. Chiffre à l’appui, elle réaffirmera la position du gouvernement de ne céder le moindre pas.
Que se passera t-il donc ?
Elle rassure les syndicalistes avoir entendu leur doléance mais trouve le « gouvernement ne peut pas prendre d’engagement ». Pour elle, les recettes fiscales étaient de 417 milliards en 2006 et 605 milliards en 2011 alors que la masse salariale est passée de 138 milliards à 263 milliards de 2006 à 2011. Il est donc clair que la porte de sortie pour cette crise est encore loin d’être trouvée. D’ailleurs, le gouvernement a déjà sollicité les appelés au service militaire à rejoindre les écoles ; de même, certaines sources proches du ministère de l’économie ont confirmé des retenues sur le salaire des grévistes. Les fédérations des associations de parents d’élèves rencontrent ce jour Boni Yayi pour la prise de résolutions fermes ; toutes choses qui prouvent qu’une solution en vue la résolution de la crise est encore loin d’être trouvée.