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 Le Bénin vu par un jeune 

A Propos De Moi !

  • Christophe D. AGBODJI
  • Journaliste, Ecrivain
Auteur de "La chute du mur de Karakachie"
;  "Le changement, l'autre nom de l'impossible"; En préparation: "Je n'étais pas au pays à l'heure du changement"
  • Journaliste, Ecrivain Auteur de "La chute du mur de Karakachie" ; "Le changement, l'autre nom de l'impossible"; En préparation: "Je n'étais pas au pays à l'heure du changement"

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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 20:02

faux-medicaments.jpgDeux ans après l’appel de Cotonou, lancé à grands renforts médiatiques par le Président Jacques Chirac, les faux médicaments pullulent toujours dans nos rues et marchés par défaut de mécanismes adéquats pour contrôler leur flux vers le Bénin. Les populations sont, plus que jamais vulnérables au mal qu’ils engendrent. La ville de Parakou, loin d’être un cas isolé, n’est que le reflet de la situation au plan national.

L’après prologue

Le pharmacien Maurice ASSOGBA de Parakou définit simplement les faux médicaments comme « les médicaments qui sont faux ; ceux là qui ne font pas réellement leur travail ». Pour ce professionnel de la santé, les faux médicaments sont dans les rues, les marchés et tous autres endroits outre les pharmacies. Tenant compte de ces éclaircissements, il s’avère que le lieu privilégié où l’on trouve les faux médicaments à Parakou est le marché.

Au Marché International Arzèkè de Parakou en effet, après le quartier des vendeuses de condiments et autres denrées alimentaires, c’est celui des vendeuses de médicaments qui est le plus animé. Ce vendredi 25 Novembre 2011, vers 9h30 mn, nous y avons fait un tour afin de vérifier si la réputation de ces pharmaciennes amateurs est réellement telle que vantée dans les rues de la ville. Déjà à cette heure de la matinée, nos vendeuses avaient déjà toutes ouvert leurs hangars qui rivalisent la place avec ceux des commerçantes de produits cosmétiques. Pourtant, le groupe de dizaine de clients qui attendent à proximité des vendeuses, bloquant le passage et attirant sur eux les injures des passants, ne bronchent pas. Une vendeuse de produits cosmétiques avec laquelle nous avions pris contact la veille nous a expliqué que ce sont des clients d’une vendeuse qui n’est pas encore arrivée au marché. Dame Mariam SOUNON renchérit que cette vendeuse dont il a tenu à taire le nom est douée dans la prescription des médicaments qu’elle vend, elle-même à ses clients. « Tout le monde sait que les produits qu’elle vend travaillent », a-t-elle ajouté. Quelques minutes plus tard, la « super pharmacienne » du marché Arzèkè arrive enfin, accueillie par une pluie de salutations. En quelques minutes seulement, tous les clients en attente sont servis. Pendant ce temps, les autres vendeuses de médicaments ne sont pas restées sans clients. En effet, devant les gros tas de médicaments exposés de part et d’autres, les usagers, sans doute des malades ou leurs parents viennent s’approvisionner en ces lieux. En moins de 2 heures d’observation, nous avons dénombré environ 30 clients. Par jour près de cent personnes viennent s’approvisionner en médicaments au marché Arzèkè de Parakou.

François BOUKO, l’un des clients, rapproché nous a expliqué venir prendre un produit avec lequel, il traite son problème de foie. « Lorsque je prends ça, je ne souffre plus ». Pourtant, la suite de la conversation nous a prouvé que le patient revient toutes les deux semaines chercher le même produit qui lui coûte 3.200 F CFA la boite. Les trois vendeuses interrogées dans le cadre de cette enquête, n’ont pas voulu nous révéler leur identité. La preuve qu’elles sont conscientes de l’illégalité de leur activité commerciale et craignent d’être identifiées et réprimées. Certaines d’entre elles, nous ont exprimé leur désaccord de la définition que le pharmacien Maurice ASSOGBA a donné de leurs marchandises. « Des gens disent que nos médicaments tuent ; mais, aucun de mes clients n’en est jamais mort. Depuis dix ans que je suis dans ce métier, je connais des clients qui reviennent toujours, sans "maigrir" », a exhibé une vendeuse avant de continuer que « si ces médicaments tuaient vraiment, les "chefs" auraient tout fait pour interdire leur vente ».

L’inaction des autorités, réelles causes de la prolifération des faux médicaments au Bénin

2 ans après l’appel de Cotonou et 1 an seulement après le Discours du Président Jacques Chirac à l’occasion du Conseil de l’Organisation mondiale des Douanes tenu le jeudi 24 juin 2010, il est encore difficile au Gouvernement béninois de contrôler l’accès de ces « faux médicaments» sur le territoire béninois. A la Direction régionale Parakou des Douanes et Droits Indirects, les archives ne laissent pas la trace d’une éventuelle saisie de faux médicaments depuis le 12 Octobre 2009. Cependant, des dizaines de tonnes de ces « excitants de la mort » encombrent nos marchés et nos rues, au vu et au su de tous. De même, dans les registres du commissariat central de la ville de Parakou, aucune trace d’une éventuelle plainte contre ces « distributrices de malheurs » n’est enregistrée. La greffe du Tribunal de première instance de Parakou ne confirme ce fait.

Ici, la résolution AG-2010-RES-06 dont l’objet est d’ « Améliorer la coopération internationale et apporter un soutien au Secrétariat général d’INTERPOL en matière de lutte contre les produits médicaux de contrefaçon et la criminalité pharmaceutique » n’est visiblement pas suivie. Par ailleurs, l’inexistence d’une législation dissuasive constitue également une échappatoire pour ces « vendeurs de deuil » qui, dès lors, exercent leur métier sans véritables soucis. Dr Okouya, Président de l’Intersyndical des Pharmaciens d’Afrique (ISYPHARMA), qui a constaté récemment que l’Appel de Cotonou sur la lutte contre les faux médicaments, « suscitait une prise de conscience des dirigeants africains » n’a certainement pas pris en compte le cas du Bénin.

Les populations béninoises livrées à elles-mêmes

Ces médicaments, à entendre Maurice ASSOGBA « trompent la vigilance des utilisateurs en leur donnant des éléments qui ne sont pas ceux qu’ils demandent et qui ne répondent d’ailleurs pas au traitement pour lequel l’on veut les utiliser ». Dr Okouya dira que « ces médicaments, dans leur ensemble, ne font rien ; bien au contraire, ils aggravent les maladies et tuent ». En un mot, « votre maladie s’empire et vous pouvez en mourir ». Pour cela, le pharmacien recommande aux populations de « faire attention et d’aller vers les structures agréées pour la distribution ».

Et alors ?

Ce lointain appel semble seulement, au regard de la proportion des menaces, insuffisantes pour éviter le pire.

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