Au fur et à mesure que l’on creuse « le dossier FNPEEJ », il se révèle que l’Etat a définitivement perdu près de 2 milliards du contribuable par les fenêtres. Nous parlions, dans nos parutions précédentes, des dysfonctionnements du système. Nous poussons aujourd’hui nos investigations sur les sites de réalisation des projets. L’ensemble des difficultés rencontrées par les bénéficiaires des crédits à Parakou n’augurent pas de lendemains meilleurs. Mieux, nous a confié un juriste, il s’agit d’une affaire civile où seuls les biens des jeunes pourraient être saisis après une décision de justice.
L’après prologue
L’absence de garantie complique davantage la situation et demeure un handicap sérieux. Pire, aucun des jeunes que nous avons contactés ne dispose d’une copie de contrat en bonne et due forme. Un contrat a-t-il été signé entre les deux parties ? Quels sont les moyens juridiques dont usera l’Etat pour recouvrer les fonds ? Toutes nos tentatives pour écouter la Directrice Générale du FNPEEJ Mme DOSSOU GBETE sont restées vaines alors que beaucoup de nos lecteurs s’indignent de son silence coupable.
A Parakou, notre enquête a porté sur une population des 22 promoteurs qui nous a servi d’échantillon. Ils martèlent que le visage actuel des projets ne permet aucun remboursement des fonds. Nous avons sillonné quelques sites de projets dans la région de Parakou, pour mieux comprendre.
L’atelier de menuiserie, ‘’La Gloire‘’, au quartier Banikani s’est agrandi depuis l’octroi d’un crédit de 14 millions à Romain Agossou. Ce promoteur qui, fièrement, se souvient encore de la visite du ministre dans son atelier fait pourtant partie des débiteurs du FNPEEJ. Visiblement, le montant obtenu du fonds a réellement été investi. Néanmoins, Romain Agossou explique que le crédit accordé n’a pas suffi pour acquérir tout le matériel nécessaire à son entreprise. D’après lui, « le manque de marché » ne permet pas de rembourser le crédit.
Ici au quartier Zongo Zénon, nous sommes dans le laboratoire d’analyses biomédicales de Gaston Johnson. Le crédit a aussi été investi dans l’achat de matériels de travail. Toutefois, le laboratoire rencontre d’énormes problèmes dans son fonctionnement. Les difficultés majeures auxquelles est confronté Gaston Johnson sont celles liées à ce qu’il appelle « une concurrence déloyale » dont la preuve pourrait se révéler bien difficile. En effet, le promoteur du laboratoire avait noué des partenariats avec de nombreuses cliniques de la place. Pour motiver ses partenaires, il leur avait même accordé des réductions allant jusqu’à 50% du tarif normal. Pourtant, la plupart d’entre eux préfèrent « traiter » avec les techniciens du laboratoire du CHD où une autre mafia s’organise. Les techniciens du Chd de Parakou effectuent ces analyses au profit des cliniques, dans les installations du CHD dans un circuit parallèle qui vide les caisses du centre au profit de la poche des techniciens. A des coûts qui défient toute concurrence. Cet aspect du projet imprévu dans l’étude de marché complique désormais la situation du laboratoire qui se retrouve incapable d’honorer ses engagements vis-à-vis du FNPEEJ. Outre cette situation « désavantageuse », Gaston Jonhson explique que le manque d’un moyen de déplacement l’empêche d’aller chercher d’autres marchés hors de la ville de Parakou.
Les femmes du quartier Banikanni jouissent des services de la crèche garderie avec jardin d’enfants ‘’Le Petit Grand‘’, grâce au financement du plan d’affaire de Nathaniel Vognito. Ce dernier rencontré dans la soirée de ce vendredi 23 septembre refuse d’abord de se prononcer sur toutes questions relatives au FNPEEJ. « Il n’y a rien à craindre », a-t-il simplement dit. Cependant, il finira par nous révéler comment le financement octroyé par le fonds était insuffisant pour réaliser le projet. Il est même catégorique : « aucun des bénéficiaires du fonds ne peut rembourser le crédit ». Le Directeur de la crèche ‘’Le Petit Grand‘’, étendue à une école maternelle depuis cette année, a justifié ses propos par le fait que « les montants dont le FNPEEJ demandent le paiement aux bénéficiaires lors de chaque échéance sont trop élevées ». Parcourant rapidement la liste des débiteurs, il martèle que « personne ne peut faire ces remboursements si l’on doit rester à ce montant ».
Josquille Ayédoun, est lui, promoteur d’un projet d’élevage et de commercialisation de porcs métissés dans la région de Parakou, projet pour lequel il a obtenu un crédit de 5 millions 130 mille. Il est aussi sur la liste des débiteurs en retard dans le paiement. Il évoque des « difficultés » qui auraient été à la base de cette situation. « La création du fonds est une bonne idée, une très bonne idée », confie-t-il. Cependant, observe-t-il, « ce qui lui manque, c’est le suivi des promoteurs ». Par ces allégations, l’éleveur fait grief au FNPEEJ d’avoir seulement accordé les crédits sans prévoir un mécanisme d’accompagnement. Josquille Ayédoun, suivant ses propos n’a pas encore pu solder sa dette à cause de « ce manque de suivi » qui lui aurait fait défaut, de même que le retard accusé dans le financement du projet. Toute chose qui fait que les coûts prévus dans le plan d’affaire ont entre temps pris de la valeur. Il aurait fallu « demander au fur et à mesure si tout se passe bien, ce qui ne va pas et comment le FNPEEJ peut nous aider à faire le travail pour lequel on a pris le crédit », s’insurge-t-il.
Kassouin Augustine jointe au téléphone, elle prétexte du manque de manioc, sa matière première, pour expliquer son incapacité de rembourser le crédit. Elle affirme tout de même que son entreprise est bel et bien fonctionnelle à ce jour. Comme elle, Affouda Gertrude Joêlle, Abdoulaye Razack Abdel et Sandjougouma Dakou disent être également loin de Parakou et préfèrent être personnellement présents lors de notre visite sur le site de leur entreprise. Ces entreprises ont-elles alors réellement été crées ?
Les quatre promoteurs qui ont accepté de nous ouvrir les portes de leurs entreprises sont conscients de ce qu’ils doivent rembourser les crédits perçus. Josquille Ayédoun dira qu’il est « prêt à rembourser par la grâce de Dieu ». Et si l’éleveur de porcs conditionne son remboursement à la grâce divine, Romain Agossou affirme avoir « déjà commencé par payer et compte terminer ». « Ce n’est pas pour moi, les jeunes qui ont pris et ne veulent pas payer sont des gens sans avenir », a-t-il fait condamné. Gaston Johnson, le promoteur du centre d’analyse biomédicale ne limite pas sa détermination de payer à la volonté de Dieu ou à un engament formel. Il a déjà entamé une campagne de dépistage de l’hépatite B dans les collèges de la région. Le revenu de cette activité devrait lui permettre de continuer le remboursement.
Le sort des crédits octroyés à des débiteurs non joignables
Des 22 promoteurs que nous avons tenté de joindre, les numéros de téléphone de 10 d’entre eux sont soit désactivés, soit hors réseaux ou ont sonné incessamment sans réponse durant toute la journée du vendredi 23 septembre 2011. Tout porte à croire que ces promoteurs, dont le cumul des crédits reçus s’élève à 32 millions de nos francs sont portés disparus ou qu’ils n’ont pas effectivement créé les entreprises. Une situation qui sème le doute quant à la possibilité effective de récupérer ces crédits A voir de près l’affaire, la récupération de ces fonds dépendra d’une longue et minutieuse enquête dont le coût risque même de dépasser le montant recherché.
Les acquis de la réunion de sauvetage du jeudi 22 septembre et le silence coupable de Dossou Gbété
D’après les promoteurs rencontrés, un agent de crédit aurait été envoyé ce jeudi 22 septembre à Parakou, par le ministère de la micro finance, ministère de tutelle du FNPEEJ. Ce délégué de crédit avait pour mission de rencontrer secrètement les débiteurs afin de discuter avec eux des moyens à mettre en œuvre en vue du remboursement des crédits qui leur ont été octroyés. Peu de promoteurs ont répondu présent à cette réunion. Certains promoteurs absents, joints par notre rédaction ont affirmé n’avoir jamais été invité à cette séance. Une sélection des débiteurs a-t-il pu être faite ? Sur quelle base et pourquoi ? Devrions-nous comprendre par cet acte que le FNPEEJ que certains débiteurs sont privilégiés par rapport à d’autres ? La réponse à ces interrogations aurait pu éclairer le contribuable béninois. Pourtant, toutes les tentatives pour joindre la Directrice Générale du FNPEEJ sont restées vaines. Du moins, Madame Dossou Gbété n’en fait pas une préoccupation. Par ce silence, Dossou Gbété couvre définitivement une affaire dans laquelle les béninois ne demandent qu’à voir clair.