Le montant des factures ne cesse de grimper. Les consommateurs eux se plaignent des coupures brusques de l’énergie qui se multiplient de plus en plus et, d’après eux, occasionnent des dommages sur leurs appareils électroménagers. Les sempiternelles plaintes et les dénonciations constantes des abonnés ne sont pas de taille à corriger le tir. Véritable friponnerie de la part de la SBEE ou vaines accusations des clients ? Les différents protagonistes se prononcent.
L’après prologue
En interrogeant au hasard 10 personnes à Parakou, au moins 8 se considèrent comme des « victimes impuissantes de la SBEE ». D’abord des factures trop salées à leur goût. Idrissou Mama, couturière au quartier Guema ne comprend pas pourquoi ces factures montent souvent à 2 ou 3 mille francs, elle qui dit n’utiliser qu’un poste radio sans cassette et qui n’allume presque jamais son unique ampoule, puisque l’atelier reste fermé toute la nuit. Stakys Hounkpatin, un étudiant habitant le quartier Banikanni à Parakou dit ne plus comprendre ce qui se passe. Il se résigne simplement : « c’est du vol ». Stakys Hounkpatin nous montre les équipements qu’il utilise : une télévision écran 14, un décodeur de parabole, un ordinateur portatif, un lecteur Dvd, un ventilateur et trois ampoules. « Je n’utilise presque jamais mon Dvd et je regarde la télé seulement aux heures où je n’ai pas cours », a expliqué l’étudiant de la 4e année de Médecine à l’Université de Parakou. « Pourtant, je n’ai jamais payé moins de 5.000 F, ce à quoi j’ai fini par m’habituer mais depuis trois mois, je reçois des factures de 10.000 F », renchérit l’étudiant qui, après une comparaison avec le montant mensuel payé par ses parents à Cotonou estime qu’il y a mal donne. Dame Joséphine, la voisine de celui-ci ne cache pas, elle non plus sa désolation. De toutes les façons, elle compte, les jours à venir renvoyer les trois dernières factures à la SBEE pour vérification. Cette abonnée estime que le montant de ses factures est excessif par rapport à ce qu’elle consomme. Idrissou Mama, la Couturière de Guinma fera les mêmes allégations. « Je paie plus que j’utilise l’énergie ».
« Il y a trop de taxes », dénonce Richard Koffi Laka, Président du Réseau des Organisations de la société civile du septentrion ROSCS
« Je ne comprend pas à quoi servent toutes ces tarifications. Nous payons une taxe pour l’entretien du compteur, une autre pour l’électrification rurale et une autre encore sur l’électricité. Nous en étions là quand soudain, on fixe une nouvelle taxe pour le paiement des factures à la Poste. C’est un scandale ». En effet, sur les factures de la SBEE, l’on déchiffre lisiblement dans l’ordre, après les informations relatives au compteur, ‘’Consommation électrique (en KwH)’’, ‘’Montant de la consommation’’, ‘’Location entretien compteur’’, ‘’Taxe sur Electricité’’, ‘’Mensualité branchement’’, ‘’Autres locations’’. « C’est trop », s’est-il écrié. « Et c’est après tout ça que vous devez verser 300 ou 500 avant de pouvoir payer votre facture », a fait remarquer Richard Koffi Laka avant d’expliquer que « le béninois d’aujourd’hui parvient difficilement à trouver les 2.000 ou 3.500 qu’il doit débourser pour payer sa facture minimale et c’est trop exiger de lui que de lui demander des frais supplémentaires, surtout que c’est à la SBEE qu’il appartient de s’organiser pour recouvrer ses fonds. Ce n’est pas au client de payer les frais supplémentaires résultant de la défaillance de la SBEE elle-même. Le pire dans cette affaire, c’est que lorsque la poste oublie de leur transmettre vos quittances, ils viennent vous couper le compteur. Quel est ce type de contrat qui les lie à la poste !».
Plusieurs clients de la SBEE se plaignent aussi des coupures répétées qui, d’après eux, non seulement font perdre trop de temps et ralentissent les affaires, mais surtout, elles endommagent les appareils de façon irrécupérable. Or, déplore Maazou, « ils ont trouvé l’astuce d’imposer une procédure trop longue et compliquée qui fait que personne ne peut jamais réussir à gagner un procès contre la SBEE. C’est comme quand on vous frappe et qu’on vous interdit en même temps de pleurer. C’est de l’étouffement et on risque de finir par exploser un jour ». Ismaël, Soudeur de profession, très déçu raconte : « j’ai banalement perdu un marché comme ça. Le travail était urgent et intense. Il a fallut une coupure de trois heures le mois passé et c’est fini. J’ai tout fait pour rattraper le temps. J’ai même veillé la nuit. Malheur à moi, cette nuit-là, il a fallu une toute petite pluie et c’est reparti pour la coupure. Je n’ai pas été en mesure de livrer le marché. J’ai perdu près de 600 mille francs. Et vous pensez qu’une quelconque explication de la SBEE pourra me consoler ! Que l’Etat fasse de nous ce qu’il veut ! Dieu est grand ». Ismaël était inconsolable en effet.
M. Ahouandjinou, le Chef Personle de l’Hôtel ‘’La Princesse’’ de Parakou est dans un état similaire. il nous montrera ses trois dernières factures d’électricité en doigtant «les milles et une taxes» qui y figurent. «Tout ça malgré les brusques coupures» a t-il lâché, lourdement.
A Parakou, la plupart des stations de radio privée arrêtent spontanément leurs émissions dès qu’une fine pluie s’annonce. Parce que, expliquent un responsable technique qui a requis l’anonymat, « dès qu’une pluie s’annonce, c’est comme une provocation pour la SBEE qui ne se fait pas prier pour couper l’énergie avec une rare brutalité. Et nous perdons facilement les appareils acquis à d’énormes frais, et aussi nos archives qui nous sont trop chères. Voilà que nous n’avons aucun moyen de le démontrer à la SBEE pour nous faire dédommager. »
Pour un responsable commercial qui a aussi requis l’anonymat, « l’heure est bien grave parce que souvent, nous devons des explications à nos partenaires dont les annonces doivent passer au moment où nous sommes obligés d’arrêter les émissions. Il n’y a que ceux qui nous comprennent qui restent. Où allons-nous trouver alors l’argent pour payer leurs factures énormes qui dépassent souvent les 170 000 francs pour un seul mois ? C’est à croire qu’il s’agit d’une facture d’usine ! »
Léopold FAGNON, le Chef Service Commercial de l’agence régional de la SBEE ne voit pourtant pas les faits sous cet angle. Selon lui, « La SBEE fait tout ce qui est en son pouvoir pour rapprocher les guichets des clients et les 300 ou 500 F exigés par la Poste ne sont destinés qu’à organiser cette prestation supplémentaire donnée par la Poste du Bénin ».
Par rapport aux cas de coupure de compteurs survenus malgré le paiement par les abonnés de leurs facteurs à la Poste, Léopold FAGNON explique que cette situation était liée à un défaut d’actualisation régulière, laquelle situation est dorénavant corrigée. Au demeurant, le Chef Service Commercial de la SBEE Agence de Parakou trouve que les clients se voient obligés de demander les services de la Poste parce qu’ils se gardent de payer leur facture à temps et se bousculent aux derniers jours afin de le faire tous ensemble.
Pour les clients mis en cause il s’agit d’une fuite de responsabilité de la part de la SBEE. Aimé Zinsou, un abonné retrouvé dans les rangs dans la soirée de ce vendredi 21 octobre avec sa facture en main récuse les affirmations que venaient de faire Léopold FAGNON. « C’est la SBEE qui devrait prendre toutes les mesures afin que nous payions nos factures mêmes si nous sommes mille à vouloir le faire au même moment » a-t-il jugé avant de conclure : « ce n’est pas sérieux venant d’une entreprise d’Etat qui a tous les moyens de le faire ».
Assan Bareck GARBA et ses collègues réfutent toutes accusations et justifient
A la SBEE, nous avons la chance de tomber sur Assan Bareck GARBA, le tout nouveau directeur régional Borgou-Alibori, Valère SESSINOU, le directeur adjoint de la même zone et Samuel HOUNKPONOU, le Chef d’Agence Parakou de la SBEE, tous réunis dans le bureau du directeur. Assan Bareck GARBA semble ne pas comprendre comment l’on peut dire de telles choses. Selon lui, « le compteur se trouve chez l’abonné. Pour le dérégler, il faut donc aller toucher au compteur » ; « …si son compteur va vite, on ne peut pas incriminer la SBEE ». Il trouve d’ailleurs que ce que la SBEE perçoit pour ses services n’est pas trop cher. Le directeur régional a expliqué qu’il existe plusieurs formes d’électricité : « l’énergie solaire, l’énergie éolienne, les groupes diesel, les lampes tempêtes, … ». Ainsi, si la plupart des béninois préfèrent l’énergie de la SBEE, c’est parce qu’elle est moins chère par rapport aux autres. « Nous sommes en train de faire un travail de développement... On n’a pas intérêt à saboter », a martelé Assan Bareck GARBA. Au sujet des dénonciations liées à la taxe sur l’électricité qui n’est pourtant pas exigée sur l’eau, le directeur adjoint, Valère SESSINOU expliquera que l’eau et l’électricité ne sont pas les mêmes denrées. « On prélève une taxe sur ceux qui consomment l’électricité afin d’étendre la couverture du réseau ». Le Chef Service Facturation de la Direction régionale ne contredira pas ses supérieurs. Paterne AZILINON trouve que la SBEE ne fait pas de tarifications hasardeuses. Sans gêne, il nous démontre comment telle somme et telle autre ont été portée sur la facture. « C’est ce que vous consommez qu’on relève et c’est ce qu’on relève que vous payez » s’est-il exprimé. Le directeur régional explique également le fait que les installations électriques mal faites peuvent occasionner des fuites d’énergie. Et cet état de chose peut expliquer le montant onéreux de certaines factures. Cependant, le Chef Service Facturation Direction régionale admet que des erreurs peuvent se glisser sur des factures, l’erreur étant humaine.
Ce 21 octobre, sur la table de Paterne AZILINON, une grosse pile de factures retournées à son service pour réexamen. Ce gros pli prouve à quel point les abonnés ne font plus confiance à leur prestataire de service. C’est certainement pourquoi, ils n’hésitent pas à retourner les factures à la SBEE comme pour dire : « Vous commettez trop souvent d’erreurs, revoyez le boulot que vous avez fait ».
Nous y reviendrons.