Au cours des dernières années, les ressources forestières du Bénin sont bradées avec une indifférence sans précédent aux dispositions normatives régissant la coupe de bois au Bénin. A Kouandé, Sinendé, Malanville comme à Gougounou, pour ne citer que ces régions du Bénin septentrionale, le spectacle est le même. Des milliers de madriers assidument rangés soit dans les containers, soit dans des camions parcourent nos routes et voies ferrées à destination du Port Autonome de Cotonou qui les fait transiter vers la Chine. La dénonciation de cette activité ne fait plus peur aux trafiquants qui bénéficieraient de grands soutiens au sommet de l’Etat. Et pour cause…
L’après prologue
Organisation Commune Bénin-Niger des chemins de fer (OCBN). Agence régionale Parakou. La pluie qui s’abat sur la ville en cette matinée n’est, sans doute pas de nature à émousser l’ardeur des travailleurs. Ils doivent continuer. De part et d’autre de la station gare de cette agence, madriers de bois, containers et matériels de travail rivalisent la place avec les wagons. Les tâcherons, en plein besogne n’ont pas le temps de se prêter à nos questions. Pourtant, le silence pesant des lieux donne déjà réponse à notre interrogation. En effet, nombreux madriers de bois de toutes espèces jonchent le sol et doivent être rangés dans les containers qui n’attendent que d’être remplis afin de prendre la route de Cotonou, ville portuaire du Bénin. Vingt, cent, mille madriers de bois sont entreposés ici. Plus loin, un millier d’autres bois trouve location. De part et d’autres des rails, plusieurs centaines de milliers de madriers de bois, tellement le tas est immense, entreposés forment un immeuble imposant. La hauteur de cet édifice de bois sortis de nos forêts est inquiétante pour celui qui n’est pas ignare des menaces environnementales qui pèsent sur le Bénin et toute la sous région. A la mairie de Kouandé, Gogounou, Sinendé, le scandale est attristant. Il y git, en effet des milliers de madriers saisis par le conseil communal. Arrondissement d’Akassato à Abomey-Calavi. La rue qui mène au domicile du Président Mathieu Kérékou est devenu le site d’une foire aux bois. Ici, ce ne sont pas des containers qui servent de moyens de transport mais des camions qui, pour la plupart sont remplis de ces madriers. Au Port Autonome de Cotonou, certains de ces containers de bois vus à Parakou et à Abomey Calavi sont identifiés. Ce qui confirme réellement que ces madriers sont destinés à l’exportation. Interrogé par rapport à la question, Zada Moustapha le directeur de l’agence régionale Parakou de l’OCBN nous a expliqué que « ce ne sont pas des bois coupés seulement au Bénin ». D’après ses explications, ces ressources forestières proviennent des pays limitrophes tels le Burkina-Faso, le Togo et le Niger et ne sont qu’en transit au Bénin. De toutes les manières, les forêts de Goungoun, Sota, Trois Rivières, Alibori Supérieur, Ouémé supérieur, Sékogourou, Tikou, Nièkèrè-Bansou, Sonboko, Niaro-son, Makrou, Guilmaro et Houénou Bénou disparaissent quoi que ces bois soient supposés venir de l’extérieur de pays frontaliers au Bénin.
Présumée implication de hautes autorités béninoises
En dépit des normes réglementaires en vigueur au Bénin, les arbres de nos forêts continuent d’être décimés. Ces braqueurs de nos ressources forestières poursuivent, avec un appétit féroce leur sale besogne. De plus en plus, ceux-ci ne cachent plus le soutien dont ils bénéficient tant de la plus haute sphère de la classe politique que des structures en charge de l’administration forestière. L’activité s’est particulièrement accrue ces dernières années à cause de cette main-forte. Tantôt, ce sont des élus locaux qui, inconscient du danger qu’ils font courir à leur localité, organisent cette activité illégale et tantôt ce sont des gardiens mêmes de la forêt ou des politiques qui sont à la base du bradage. Le scandale concernant la destruction des forêts dans la région des 2KP à savoir Kouandé, Kérou et Ouassa-Péhunco peut être cité à titre d’exemple. A Kouandé, la brigade locale mise en place par l’association des jeunes a permis de menacer la poursuite de cette activité exercée au mépris des conventions internationales ratifiées par le Bénin en matière de protection de l’environnement. Certaines sources proches de cette association nous révéléà certain média avoir été maintes fois menacées. Ainsi, des phrases comme « Vous avez intérêt à vous contenter des sous que nous vous proposons. Mais si vous insistez, vous serez perdants car vous avez beau fait, vous ne pourrez rien contre la première dame ». Ces allégations seront renforcées par les propos d’un agent des eaux et forêts de la zone rapportés au même canard ; celui-ci juge : « « Ce que vous faites montre que vous êtes contre la vision du Chef de l’Etat » par référence à la résistance de cette association qui s’est donnée comme vision l’opposition au bradage des ressources forestières de la zone des 2KP. Koffi Randolph, le directeur de cabinet de la première dame, citée comme marraine de cette activité à Kouandé balaie du revers de la main ces allégations. « Ma réaction en tant qu’officiel est que ces accusations sont sans fondement. La première dame n’est pas mêlée à cela » a-t-il juré. De toutes les façons, ce nom sert de couverture à ces pilleurs des forêts béninoises. Dans cette même région, le nom d’un député récemment élu sur la liste des forces cauris pour un émergent (FCBE) est cité. De plus, un ministre de l’actuel gouvernement serait personnellement impliqué dans ce trafic. D’une manière générale, les agents forestiers de nos localités sont de mèche avec les exploitants. D’ailleurs, ne rivalisent-ils pas aujourd’hui avec les douaniers connus pour être particulièrement les plus riches du pays ?
La mafia de Kandi
Le département de l’Alibori est devenu une terre fertile pour l’exploitation sauvage des ressources forestières au Bénin. Dans ce département, l’exploitation forestière a atteint son point culminant. Les exploitants forestiers agrées du département de l’Alibori sont en proie à une concurrence déloyale de la part des exploitants clandestins et frauduleux. Le comble dans ce dossier du bradage des forêts de l’Alibori est que des personnes proches du premier responsable chargé de la protection de l’environnement, se retrouve au cœur de cette mafia. Selon certaines sources dignes de foi, le directeur général du Cénagref, Martial C. Ballo serait au cœur de cette activité. De même, son épouse serait une exploitante forestière non agrée. D’après les mêmes sources, elle aurait hérité cette activité de sa défunte mère. Les exploitants clandestins des autres communes telles que Bassila ont envahi le département de l’Alibori la campagne dernière par exemple et ont dévastés toutes les forêts du département avec la complicité des autorités responsabilisés dans la protection de cette ressource. De plus, les délégués de quartier et les chefs d’arrondissement sont mêlés à l’affaire. Certains habitants de la région nous ont confié que l’actuel Dg du Cénagref Kandi, alors chef poste forestier dans la commune de Gogounou aurait acquis des tronçonneuses à des exploitants et aurait pu exploiter plus de 1000 madriers. Ainsi, les gardiens de nos ressources seraient devenus leurs pires ennemis. Toutefois, la fête peut continu er puisque l’impunité est désormais la pièce maitresse de la gouvernance au Bénin.
Les retombées environnementales et économiques de cette activité
La coupe abusive de nos bois et leur exportation vers les pays d’outre-mer ont de véritables impacts sur l’environnement. Cette activité a pour première conséquence la déforestation et facilite dangereusement la dégradation de nos sols et l’avancé du désert. Les changements climatiques trouvent aussi leurs causes dans ce commerce. Par ailleurs, les plaines des menuisiers de nos villes et quartiers de ville vont crescendo face à la montée vertigineuse du prix des madriers due au fructueux commerce du bois. Une petite enquête montre que ce prix est passé de 8.000 à 13.000 au cours des deux dernières années seulement. Cette hausse du prix des madriers a incontestablement une répercussion sur celui des meubles fabriqués par lesdits artisans. Ainsi, c’est finalement la population béninoise qui, une fois encore devra payer la facture.
Et c’est la Chine qui fait une bonne affaire
La République populaire de Chine appuie le Bénin dans plusieurs domaines. Construction d’échangeurs, de salles de classe, aménagement de voies, octroi de bourses d’étude. Cette générosité de la Chine a considérablement augmenté ces dernières années à tel enseigne qu’on est en droit de se poser des questions sur ce que le pauvre pays qu’est le Bénin donne en échange à la grande Chine. Au regard du scandale qu’engendre la coupe de bois dans notre pays, il serait fondé d’envisager que la philanthropie de la Chine est parallèlement bien payée par le Bénin. La preuve de ces allégations réside dans le fait que c’est seulement à destination de la Chine que les milliers de containers de bois sont expédiés. Conséquence, l’artisanat local souffre du manque et donc de la cherté de cette ressource dont la presque totalité est convoyée vers la Chine. L’ampleur de l’affaire et l’implication de plus en plus affichée des autorités nationales ne sont pas d’augure à envisager l’amélioration de la situation au cours des années à venir. Seule, la société civile, s’il en a encore peut arrêter la saignée.