22 juin 2013
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Dino Renaud ADOHOUETO vient de publier Fanta, son premier roman aux éditions Plumes Soleil. C’est un joyau de 128 pages que nous livre l’écrivain béninois. Se revêtant de l’étoffe du témoin de la vie d’un groupe de jeunes filles et garçons, il en raconte la vie. Mais, ne vous faites pas d’illusions, seule leur vie d’écolier et d’étudiant intéresse ici l’auteur.
Dino Renaud ADOHOUETO n’a pas écrit un roman ; il a, plutôt écrit le roman. Dans un espace littéraire où les quelques rares écrivains qui nous restent encore se particularisent par l’écriture d’arlequins ou de diverses histoires d’amour, notre jeune narrateur se démarque de cet élan pour nous replonger dans la nostalgique époque de notre enfance. Il ne le fait pas comme un certain Camara Laye mais il s’intéresse exclusivement à leur vie d’école et d’université ; cette vie faite de craies, d’ardoises et de chiffons ; oui de craies, d’ardoises et de chiffons. C’est cette partie de notre enfance que nous présente l’auteur.
Une œuvre… une histoire
Dans son livre, ADOHOUETO peint la vie d’un groupe d’adolescents. Ils attendaient les résultats de l’examen donnant droit au certificat d’études primaires quand commence son œuvre. C’est Akim qui se fait, à défaut d’être le personnage principal, l’adjuvant atypique d’une aventure exceptionnelle. C’est l’élève parfait ou le citoyen exemplaire. Fils de pauvres, il est bien conscient de la vie qui est la sienne. C’est, d’ailleurs pourquoi, au lieu de se livrer à la vie d’adolescent qui lui convient, il a choisit plutôt une conduite plus responsable. S’adonnant aux divers jobs pendant que les enfants de son âge se livrent aux jeux. Il doit se prendre en charge. C’est encore lui qui aidera Fanta, la personne principale dès qu’elle débarque, bien après la rentrée au Collège d’Assabou. Fanta arrivera, malgré ses lacunes en Français à obtenir ses diplômes avec l’aide d’Akim. Mario, Rékarath, Maxime jouent également dans le livre des rôles qui nous rappellent bien ce passage de notre vie. Leur entrée à l’université Sourou sera le début d’une autre aventure. C’est alors que Dino Renaud ADOHOUETO nous fait entrer dans cet univers sombre de la vie universitaire ; cet univers teinté de combines, de coups bas et de souffrances. Si, certains (Akim surtout) trouvent des astuces pour avancer, d’autres (comme Maxime) n’auront pas cette chance. Fanta résistera bien que mal aux avances de Monsieur Alexandre, l’un de ses professeures. Pourtant, pour rédiger et soutenir son mémoire, il lui faudra encore une fois l’aide d’Akim. Celui-ci se sert de Cassanova pour sortir son amie de ce dilemme. C’est aussi la conduite de Mario qui est exemplaire dans le livre de ADOHOUETO. Fils de riche et certainement gâté, il a, pourtant, malgré sa passion pour les femmes et la belle vie réussi à décrocher ses diplômes.
Un style d’écriture à la portée de tout le monde
Dino Renaud ADOHOUETO n’est pas allé par quatre chemins pour nous livrer le fruit de son imagination. Ayant recours à un style de tous les jours, il fait, ainsi de son ouvrage une denrée à la portée de tous les catégories de lecteurs. Nous sommes alors loin d’un certain Victor Hugo ou plus proche de nous d’un Albert Camus ou plus près d’ici encore d’un Olympe Bhêly-Quenum. Il ne donne pas, dans son livre une occasion de rire au lecteur ; presque pas. C’est dans un style ferme et fermé qu’il raconte son histoire comme pour dire au lecteur : « c’est sérieux ce que je te conte ». On le sent, très agité, comme en transe, se pressant de livrer en une vomissure toute son histoire. On constate ainsi que trois (3) pages seulement lui suffisent pour mener ses personnes du début d’une année scolaire à sa fin et déjà à la rentrée d’une nouvelle année scolaire (voir pages 26 à 27). Il s’éloigne totalement de Camara Laye, dont, pourtant L’enfant noir a des ressemblances avec son Fanta. Le guinéen présente son personnage principal surtout à la maison, dans sa famille. ADOHOUETO lui, le présente plutôt à l’école. D’ailleurs, il ne parle de leur vie familiale que lorsque celle-ci a une incidence ou un rapport avec leur aventure scolaire ou académique. La mort de la sœur de Akim ou la maladie de sa maman le déprime et l’éloigne de Fanta (à l’école); le départ de Fanta au village n’est, pour notre écrivain qu’un détour pour montrer que l’école et l’université ont fermé leurs portes. C’est donc, dans un état de concentration maximal que l’écrivain est resté jusqu’à la fin de sa narration. En cela, il s’éloigne complètement des écrivains de son temps dont les ouvres sont majoritairement faites d’un ton comique. Ferdinand Oyono (Le vieux nègre et la médaille), Ahmadou Kourouma (Allah n’est pas obligé), Labu Tamsir (La vie et démi), Florent Coua Zotti (L’homme dit fou ; Si la cour du mouton est sale, ce n’est pas au cochon de le dire etc…) ou Alain Mabanckou (Verre cassé) en sont des exemples précis. Non, Dino Renaud ADOHOUTO n’a nullement envie de rigoler. Il faut le suivre, sérieux et attentif tout au long de son ouvrage pour déceler la réalité de la vie de Fanta, l’étudiante noire et celle de ses amis. Il confisque la parole et se fait le seul témoin de la vie de ses personnes. Ceux-ci subissent, sans trop se plaindre. On ne voit dans toute l’œuvre que deux dialogues. Seulement deux tirets. « J’aimerais voir Fanta, la jeune étudiante qui a nouvellement aménagé ici », « Veuillez entre ». Et c’est tout. C’est un dictateur. Tel un tigre, il se jette sur sa proie et l’expose à qui s’y intéresse. En deux temps, trois mouvements, il commence et termine son roman ; il expose la vie de ses personnages en un seul souffle. Devrions-nous y retenir que la vie elle-même n’est que trop courte ? L’aspect philosophique de l’œuvre nous permet de le dire.
Fanta, une œuvre philosophique ?
Fanta est, sans aucun doute un roman philosophique. Il faut reconnaitre qu’il ne l’est pas au même titre que des œuvres comme Candide de Voltaire ou L’étranger d’Albert Camus. Pourtant, c’est un livre philosophique spécifique en son genre. Dans son roman, Dino Renaud ADOHOUETO ne s’est posé aucune question. Nulle part, on y voit un seul point d’interrogation. Toutefois, on dénote à lire le livre que l’histoire elle-même est emprunte de questionnements. D’ailleurs, dès les premières pages du roman, l’auteur jette à la figure du lecteur quelques lignes qui résument sa propre philosophie de la vie : « Même si en apparence, la vie comporte parfois des absurdités, il ne faut jamais baisser les bras. Les difficultés que nous rencontrons dans la vie doivent nous rendre matures ». Telle est la philosophie de Dino Renaud ADOHOUETO, fils d’un riche commerçant originaire du sud est du Bénin qui réussit, tout de même à se faire une place respectable dans le nord du pays, une victoire hors paire. C’est également la philosophie de Akim, le deuxième personnage du livre dont l’histoire est une illustration évidente. Fanta, Mario et le vitrier Yacoubou n’ont-ils pas, eux-aussi bataillé dur ? C’est certain. Et c’est d’ailleurs pourquoi, l’auteur de Fanta affirme à la page 47 du livre que «en Afrique, s’instruire est un privilège ». La petite histoire de Yacoubou, le vitrier semble être le prototype de la conception de la vie par le narrateur. A la page 55, il trouve que « la vie ne vaut rien… ». Seulement, il faut bien savoir que « à un moment ou à un autre de l’existence de chaque être, il arrive des situations où le courage seul ne suffit plus ; il faut alors faire preuve d’audace…. ». Aussi, «chacun a un don qu’il doit mettre à profit…. » (page 59) et « il est bien possible de gagner sa vie honnêtement… ». A la première page du livre, se tient une jeune collégienne devant un tableau noir rempli de mots ; seuls deux de ces mots peuvent être lus intégralement : premier et instar. L’auteur nous enseigne par là, c’est évident qu’il faut marcher sur la trace des grands hommes pour être le meilleur. Homme de foi ; optimiste des jours qui se font rares, Dino ADOHOUETO espère au succès, au bonheur comme fruit de l’endurance de l’homme. C’est certainement pourquoi, il conclut son œuvre par le mot « heureux ». Et c’est d’ailleurs, ce que je lui souhaite : « UNE HEUREUSE CARRIERE D’ECRIVAIN ».
Published by Christophe D. AGBODJI
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