A la fin de la 5ème Législature, le désormais ancien député Ismaël Tidjani Serpos évoquant la situation désolante du chantier du nouveau siège du Parlement Béninois déclarait : « C’est une mare aux canards ». Il ne semblait pas si bien dire. Près de deux ans après ce constat, la situation n’a guère évolué et suite à la présentation d’une communication du ministre en charge de l’Urbanisme sur le sujet ce mardi 18 décembre 2012, le président Mathurin Nago n’a pu contenir toute sa déception et a levé quelque voile sur ce qui apparaît désormais comme un nouveau scandale sous Boni Yayi. Ni la commission mise en place par le Ministère de l’Urbanisme, ne le ministre Blaise Ahanhanzo-Glèlè ne semblent démentir la chose puisque le ministre évoque déjà des poursuites judiciaires contre les responsables du blocage du chantier du nouveau siège du Parlement après un budget entièrement consommé de 14 milliards de francs Cfa et un autre de 12 milliards de francs Cfa recherché pour la poursuite des travaux. « La vérité rougit les yeux mais ne les crève pas » dit-on ! Voici celle de Mathurin Nago au ministre Blaise Ahanhanzo-Glèlè, aux cadres et entreprises impliqués dans ce dossier dont les premières volutes de fumée apparaissent déjà.
« ..Je pense que les députés n’ont suffisamment pas dit ce qui se passe. Je pense que c’est un scandale qu’un certain nombre de Béninois ont créé. Ce n’est pas un projet financé par les bailleurs de fonds. C’est un projet financé par le budget national. Malgré les difficultés que nous observons. 14 milliards ! Mais tout ça est passé ailleurs. Ça il faut le dire. Quand on vous écoute, on vous lit entre les lignes, en réalité, c’est passé ailleurs. Je reçois régulièrement des rapports des acteurs du projet qui sont sur le chantier que je ne voudrais pas dévoiler ici. Parce que si je les dévoile vous risquez de ne pouvoir pas sortir de la salle. Bon, ce n’est pas vous directement. Vous allez subi ce que d’autres doivent subir. Parce que nous savons que les responsabilités sont ailleurs. Nous sommes des Béninois, nous sommes des responsables nous savons comment ces choses là se sont passées. Les collègues ont insisté sur l’historique du projet. Je voudrais dire que ce projet ne date pas d’aujourd’hui. Nous devons dire que c’est en 2002 que les propositions ont été faites même si les travaux ont démarré en 2009 et c’est depuis 2002 que ce projet a été, je dirai enlevé à l’Assemblée nationale pour être logé dans l’escarcelle ou le portefeuille du gouvernement. Si non normalement, c’est l’Assemblée nationale qui devrait gérer ce projet. Peut – être qu’on aurait eu beaucoup plus de chances si c’est l’Assemblée nationale qui l’aurait géré. Deuxième chose, et notre collègue Gbènaminto l’a dit maintenant, nous avons mis en place un comité tout récemment. Car voyant un peut comment les choses se passaient nous avons ensemble avec le ministre décidé de mettre ce comité de suivi du siège de l’Assemblée nationale. Je dois dire qu’au moment où on devrait démarrer les travaux, il y a eu un appel d’offre lancé et beaucoup d’entreprises ont soumissionné. Nous avons suggéré fortement que ce soit une entreprise chinoise. Mais on nous a opposé un refus catégorie sous prétexte que les Chinois ne connaissent pas le style architectural de Porto-Novo. C’est un ministre qui l’a dit et des techniciens. Peut être qu’ils sont dans la salle. Ils disent ‘’non les Chinois ne peuvent pas faire l’affaire parce que nous voulons que le parlement du Bénin reflète le style architectural de Porto-Novo et les Chinois ne peuvent pas. Nous avons tout fait. Nous avons rencontré le Chef de l’Etat, le ministre en question mais notre requête n’a pas abouti. Nous avons fait venir des entreprises chinoises ici pour soumissionner. On les a renvoyés du ministère de l’habitat et de l’urbanisme. Nous avons reçu plusieurs fois l’ambassadeur de Chine ici. Il s’est plaint parce qu’il aurait été également renvoyé du ministère. On a insisté pour que ce soit un groupement créé de façon circonstancielle pour gérer ce projet. C’est un mélange d’entreprises.
On comprend par la suite toutes les incompétences, les incapacités notées par les collègues. C’est le fait d’un groupement créé à la va vite pour s’occuper de ce chantier. Nous devons nous dire la vérité. C’est un scandale. Ce ne pas normal. Vous êtes obligé monsieur le ministre de rattraper les choses pas par écrit, pas par présentation orale…. Vous avez évoqué des raisons que beaucoup de collègues ont battues en brèche. C’est très difficile. Je suis désolé, les collègues ont donné beaucoup d’exemples. Le site est marécageux. C’est la raison du retard… (rire). Non, mais je ne suis pas technicien mais un architecte l’a dit tout à l’heure avant de soumissionner, on va sur le site. On apprécie d’abord. C’est du moins sur cette base qu’on fait les dossiers techniciens. Ce n’est pas après avoir soumissionné qu’on découvre le site. Mais entre temps, lors du dépouillement des offres, on nous a demandé d’envoyé un représentant de l’Assemblée. Nous avons désigné l’ex 2ème questeur l’honorable Djibril Débourou. Il a découvert dans le dossier des incohérences et des insuffisances. Il a averti que s’ils procèdent de cette de manière ça ne marchera pas. Mais on a tout fait pour donner le marché à ce groupement. Et monsieur Débourou représentant de l’Assemblée nationale a dit « non, je m’oppose à cela ». il n’a pas signé le Procès verbal. On l’a fait venir après au ministère pour dire de signer le PV. Et l’honorable Débourou a maintenu sa position en disant non je ne signe pas le PV. Et on est passé outre pour donner le chantier à l’intéressé. Nous sommes des Béninois nous devons le dire. J’ai regretté que l’honorable Débourou n’ait pas voulu parler. Parce qu’il a beaucoup de chose à dire. Parce qu’il s’est opposé à la signature du Pv, on a fait courir des rumeurs, fait écrire des choses dans les journaux pour dire qu’il a pris l’argent chez les autres. Simplement pour noyer les choses. On a fait intervenir beaucoup de genres pour le convaincre de venir signer. Et malgré cette opposition farouche de l’Assemblée, on a donné le marché à un groupement créé à la va-vite. C’est ça le ministère de l’habitat et de l’urbanisme. Et c’est ça de façon générale l’administration publique de mon pays. Les raisons évoquées concernant le site, les ouvriers non qualifiés et le niveau des travaux, la responsabilité du groupement qui a fait l’étude architecturale etc. tout cela est de la responsabilité de ceux qui avaient le rôle de maitrise d’ouvrage délégué. Monsieur le ministre, quand vous situez les responsabilités, je pense que c’est d’abord au niveau du maitre d’ouvrage et ensuite du maitre d’ouvrage délégué. Beaucoup de collègues ont demandé si le maitre d’ouvrage délégué Serhau S.A est compétent. A-t-il exécuté sincèrement et honnêtement son travail ? C’est une question que nous posons souvent depuis qu’on les rencontre. Et ceci avant le démarrage des travaux. Les grandes responsabilités se situent au niveau du Maitre d’ouvrage et du maitre d’ouvrage délégué. Les maitre d’ouvrage délégué qui a fait ce que nous savons et malgré ça on lui paie sur un total de 708 millions 643, 623 millions alors qu’il a une part énorme dans le retard. On lui a payé 91% de ce qu’on lui doit pour tout ce qu’il a fait pour admettre le retard. C’est grave. 91% pour le travail correct qu’il n’a pas fait. C’est très grave. Il y a même eu de la publicité pour le travail qui est mal fait. On a payé IEC suivi et contrôle par le maitre d’ouvrage 46 millions de francs. Et puis pour couronner le tout, on a dit qu’il y a des imprévus pour le travail qui n’avance pas. Sur une prévision de 240 millions, on a payé 140% des imprévus. C’est un scandale. Je vous le dis franchement je suis scandalisé de constater ce que je vis dans mon pays. Voilà le chantier et ce qui s’est passé. L’incapacité du maitre d’ouvrage car il a des responsabilités dans le choix des entreprises de toutes les structures qui sont intervenus. C’est un problème. Monsieur le ministre, vous avez fait un audit mais il y a beaucoup de choses qui se disent à propos. Je pense qu’avant de terminer, je devrais rappeler cette mission touristique en Espagne toujours pour le compte de ce chantier. Je vous ai parlé parce que j’ai dit trop c’est trop…monsieur le ministre les collègues ont demandé de nous rassurer. Je ne sais pas si vous avez la possibilité de nous rassurer parce que moi je ne suis pas du tout rassuré. Je suis même complètement abattu. J’ai bien peur que Mme Rosine Vieyra Soglo ait raison puisse qu’elle a dit qu’on irait jamais là après que le budget national ait débloqué 14 milliards. L’honorable Akoffodji a demandé « quel était le coût initial du projet ? Quel est le cout final du projet ?» j’ai cru entendre que c’était d’abord 16 milliards le cout initial. Je ne sais pas si je suis dans le vrai. Mais les Chinois ont demandé 18 milliards. La différence a fait qu’on a éliminé les Chinois. Pour délit d’initié, tout juste après avoir donné le marché, il y a eu plusieurs avenants et le coût tourne autour de 24 milliards. Ça c’est une pratique habituelle. On baisse puis on donne le marché à qui on veut le lendemain on a deux à trois quatre avenants. C’est l’administration béninoise et les cadres béninois. Il faut sanctionner. Si on ne met pas fin à l’impunité dans notre pays on n’ira pas loin. Et notre pays restera comme nous le voyons. C’est dommage. Et c’est pour cela que je suis d’accord avec les collègues pour qu’il y ait une commission d’enquête avec tout ce qu’il faut comme moyens à mettre à la disposition pour faire la lumière sur cette affaire. Parce que c’est non seulement un scandale mais aussi une provocation à la deuxième institution de l’Etat non le Parlement. On peut se permettre de tout faire mais ne jamais venir provoquer les députés chez eux. Et on le fait sans vergogne. Nous devons répondre à la mesure de la provocation qui est faite. Je suis d’accord avec les collègues qu’il faille mettre en place une commission d’enquête pour situer les responsabilités et demander les sanctions qui s’imposent dans de telles situations. Je n’ai pas dit mon point de vue. Je n’ai fait que résumer parce que si je devrais dire mon point de vue ce serait encore très grave… »
Transcris par Francis Z. OKOYA