J’ai réalisé et publié une récente enquête sur la coupe du bois au Bénin que le ministre Blaise Ahanhanzo Glèlè de l’environnement a fait une excursion dans les régions du nord Bénin indexées. Ce voyage n’a fait que révéler à l’ancien maire d’Abomey le caractère scandaleux de cette activité dont les conséquences sur l’environnement et l’artisanat local ne sont plus à démontrer. Déjà, Blaise Ahanhanzo Glèlè a interdit la coupe du bois et promet de prendre des mesures plus acerbes au cours des jours prochains.
L’après prologue
Blaise Ahanhanzo Glèlè est resté aphone devant la détresse des arbustes des forêts de l’Alibori supérieur. Touché par les révélations faites par notre rédaction et la persistante plainte des populations béninoises sur le dossier de l’exploitation des ressources forestières du pays, le ministre s’est rendu en début de la semaine dernière dans la zone afin de constater les faits. La première étape de l’excursion est Parakou, carrefour des villes du septentrion et ville par excellence où transitent les bois coupés dans tout le nord. Le ministre Ahanhanzo s’est ensuite rendu dans la région des 2 KP (Kouandé, Kérou et Péhunco). Wassa Péhunco. Il n’y a presque plus de voie donnant accès aux bâtiments de l’administration. La cour de l’arrondissement central est prise en otage par plus de 3.353 bois soigneusement tronçonnés saisis par les autorités locales. A la brigade de gendarmerie visitée par lé délégation ministérielle, le scandale est le même. « Ici, il n’y a pas grande chose », chuchote l’un des guides aux visiteurs. Pourtant, plus de 600 madriers saisis gisent par terre. Kouandé et Kérou, autres communes connues pour être particulièrement touchées par la situation présentent les mêmes pathologies comme leur sœur Péhunco. A Kouandé, 629 troncs d’arbres saisis récemment ont été montré au ministre. Les autorités de Kérou donneront une touche particulière à la visite en exposant à l’ancien maire d’Abomey 770 bois tronçonnés qu’ils venaient fraichement de saisir. Dans les forêts parcourus, Blaise Ahanhanzo Glèlè est resté stupéfait devant le ravage fait les exploitants de bois. Mille et une voies ont été modestement tracées dans ces forêts alors que les maires des communes recelant ces forêts peinent encore à désenclaver leur localité. Toute la forêt de l’Alibori supérieur est dévastée. Elle ne contient plus que des arbustes. Les bois de 5 et 4 mètres qui mettaient autrefois ces lieux en valeur ont totalement disparu. L’on y trouve plus que des troncs d’à peine 0,5 mètre de diamètre.
Le cas du Borgou négligé
Les forêts du département du Borgou ne sont pas pucelles. L’acharnement dont fait montre les exploitants forestiers dans les autres régions du Bénin est pareille dans cette zone. Courant le début du mois d’Août dernier, l’alerte a été donnée sur un scandale environnemental à Tchaorou. Les révélations faites à mi-voix faisaient état d’une coupe exagérée de bois dans la commune présidentielle. Plus de 350 tonnes de bois tronçonnés étaient, en effet exposées à la gare routière de Tchaorou. La dénonciation à chaud de cet acte criminel à l’égard de l’environnement aurait, peut être dissuadé les assassins de nos ressources forestières. Le maire de la commune avait alors fait appel à la presse locale et nationale en vue de prendre l’opinion publique à témoin. Malheureusement, face aux pressions et aux menaces de la part des mafieux, la diffusion de ces images lamentables a été empêchée. Les journalistes, eux aussi ont dû préférer leur vie à leur travail. Conséquence, le scandale qui aurait dû être arrêté dès le début a atteint, en un mois, des proportions lamentables. Les forêts classées qui, il y a moins de dix ans avaient été reboisées sur financement de la Banque Mondiale à travers le Projet de Gestion des Ressources Naturelles, PGRN, sont les plus attaquées au vu et au su de tous les acteurs.
Des conséquences sociales inestimables
Ces coupes de bois, outre les répercussions environnementales sur le milieu engendrent de véritables problèmes sociaux dans les zones où l’activité est intensifiée. Dans la région des 2 KP, les conséquences sont criardes. La plupart des jeunes de la localité ont, depuis longtemps abandonné les bancs des écoles afin de s’adonner au chargement des madriers réputé pour être une activité très rentable. Le détournement de cette partie de la jeunesse béninoise vers ce job précaire ne fait que compromettre l’avenir de la jeunesse et de la commune. Parallèlement, les jeunes filles de ces régions payent également le lourd tribut de ce pillage des forêts. Les grossesses non désirées sont devenues récurrentes dans les communes victimes du scandale du bois. Les jeunes filles se font engrosser par des jeunes gens devenus riches, le temps d’une coupe de bois. Les femmes au foyer n’échappent pas au jeu. Certaines ont déjà quitté leur foyer pour rejoindre des exploitants de bois. D’autres se sont versés dans l’infidélité à défaut d’abandonner leurs maris. Ainsi, la nouvelle philosophie en vogue dans la région prône l’exploitation forestière comme la première source de richesse au monde.
Les impacts économiques inquiétants
L’on assiste à une montée exponentielle du prix d’achat des meubles. Selon les explications données par quelques artisans interrogés sur la question, cette hausse n’est que la conséquence directe de la cherté du bois. Ainsi, les meubles qui pouvaient s’acheter à un prix situé entre 100.000 F Cfa et 120.000 F Cfa se vendent aujourd’hui à plus de 150.000 F Cfa. Selon Benoit Dansou, un menuisier exerçant son activité à Banikanni, un quartier de Parakou, le madrier de bois s’achetait à 8.000 F Cfa, il y a encore deux ans, mais ce prix est aujourd’hui de 15 à 17.000 F Cfa. Cela montre à quel prix, cet abus noté dans la coupe de bois destinés exclusivement à l’exportation est un poids pour les populations à la base.
Blaise Ahanhanzo répare les faux pas de Justin Adanmayi
Le ministre Ahanhanzo s’est dépêché dans les régions du nord Bénin touchées par le scandale lié à l’exploitation abusive des ressources forestières du Bénin. Cet acte est salutaire puisqu’il permettra peut-être la « Renaissance » des bonnes conduites en matière d’exploitation forestière. Toutefois, plus rien n’existe dans ces forêts qui ne sont plus que réduites qu’à de vastes espaces dénués d’arbres et à peine parsemées de quelques arbustes. Le ministre Justin Adanmayi pourrait être pointé du doigt pour avoir fait preuve de légèreté dans ce dossier qui, pourtant défrayait la chronique. Durant tout son séjour, l’ancien ministre de l’environnement a brillé par sa distance vis-à-vis des forêts livrées aux tronçonneuses des trafiquants. Par son inertie donc, le ministre Adanmayi avait permis ce laisser-aller dont les conséquences sont aujourd’hui désastreuses tant sur le plan socio-économique qu’environnemental. L’actuel ministre de l’environnement et le directeur général des eaux et forêts doivent jouer utile en arrêtant la saignée et en pensant à la reconstitution de nos forêts.