L’heure est à la désolation partout au Bénin. A Cotonou, Porto-Novo comme à Parakou, c’est le même refrain. Des milliers de béninois qui, de plus en plus arrivent avec peine à s’assurer le pain quotidien. La situation est plus critique dans les villages et campagnes du pays. « Plus rien ne va », chante t-on partout. Dans les marchés, les femmes n’ont plus de maux pour décrire l’environnement actuel des affaires. Pourtant, l’on note, à regret une chasse aux opérateurs économiques béninois déjà déplumés. C’est un véritable désastre. Sur le plan de la gouvernance politique, le débat n’est plus limité qu’à une association de politiciens pour l’étude de faisabilité des projets de coups bas. Le coton désole quand le Pvi est mené avec une imprécision sans précédent. La correction de la liste Lépi est emprunte d’hypocrisie. Le mal est partout. Pendant ce temps, les prouesses du Bénin au plan économique se précisent. Le fameux regroupement d’économistes mal inspiré conduit le pays dans le chaos. La complainte des citoyens est ignoré ; le cri d’alarme de l’opposition est sous estimé ; le clergé et le barreau sont, à peine écoutés. « Une chose est sûre : ce qui actuellement au plan social général se passe au Bénin ne sert personne tant l’aujourd’hui que l’avenir. Le bien commun est en péril faute de citoyens ayant la capacité de mortifier leur volonté, leur moi, leur passion aveugle et aveuglée du pouvoir ». Où allons-nous ? Sos sauvez le Dahomey.
La réalité de la situation
Pour se rendre compte du niveau de vie du béninois au jour d’aujourd’hui, il faut se rendre dans les marchés, les rues et les campagnes. C’est à ce jeu que nous nous sommes essayé. Le constant est déconcertant. Au marché Dantokpa, marché réputé pour sa grandeur et le flux financier qu’il draine, les affaires ne vont plus comme auparavant. « On ne comprend plus ce qui se passe », se plaint dame Anagonou. En effet, la vendeuse de pagnes assise au milieu de ses marchandises nous raconte comment ses chiffres d’affaires ont chuté depuis plusieurs mois. « Les gens disent qu’ils n’ont plus d’argent pour les pagnes », conclu t-elle. Ses voisines de marché, dames Quenum et Vissoh font des révélations similaires. Si les béninois n’arrivent plus à s’habiller, leur ventre devrait tout de même les préoccuper. Le prix du lait est passé de 850 à 1300, en un an. Le sucre en a suivi ; le prix du blé, du riz et autres denrées de première nécessité est monté en flèche. Au marché Saint Michel, nous avons rencontre M. Lawson. « Ma femme réclame toujours plus d’argent. Elle dit que les choses deviennent chères. Je suis venu moi-même constater que c’est vrai ». Il était, en effet visiblement inquiet. « Le prix de la colporte est triplé en 15 mois. Or, le salaire reste le même. Qu’est-ce qui se passe ? » Se plaignait-il. Ici aussi, les bonnes dames se plaignent : « on ne vend plus comme avant », « on dirait que les gens ne mangent plus ». Le constat est le même à l’intérieur du pays. Aux marché Azèkè et Dépôt de Parakou, la situation serait pire, d’après une investigation de notre correspondant. Dans les marchés Ouando, Azovè, Glazoué, la conjoncture est préoccupante. Les simples condiments comme le piment, la tomate ne sont plus à porté de la bourse des acheteurs. Il s’en sort une réalité touchante. Une seule. Les béninois ne mangent plus à leur faim. L’Abbé Raymond Bernard GOUDJO, Secrétaire de la Conférence Episcopale du Bénin et de l’Afrique de l’Ouest pense que « ce qui actuellement au plan social général se passe au BENIN ne sert personne tant l’aujourd’hui que l’avenir. Alphonse Benoît QUENUM, Recteur Émérite de l’UCAO estime qu’il pas « nécessaire d’appartenir à un clan dans notre pays le Bénin pour sentir ou ne pas sentir le malaise qui s’installe ». Il changera, un peu plus tard le mot « malaise » par « mal-être profond ». Tellement, la situation est inquiétante.
La conduite du Pvi et la gestion du coton comme illustrations de tout le secteur économique
Les béninois se rappellent encore la furie et la détermination avec laquelle le gouvernement a introduit au port le programme de vérification des importations (Pvi). C’était le passage obligé pour une relance certaine de l’économie nationale. Avec cette réforme, le port de Cotonou devrait être le port, le plus perfomant de toute la région. Les chiffres annoncés étaient rassurant quand à l’essor économique attendu. La réforme devrait passer. Vaille que vaille. Et le gouvernement a su mettre tous les moyens pour que la réforme soit effective. Le droit de grève a été arraché aux douaniers, mécontents du processus de mise en application du programme. Dévoilée, ridiculisée et forcée au silence, la douane béninoise s’est mise au pas. Les marches étaient venues renforcer le processus. Un certain Frédéric Béhanzin haranguait hebdomadairement la foule de marcheur qu’il jetait, ensuite dans les rues. Il fallait à tout prix le Pvi au Bénin. L’avis d’appel d’offre international a été remporté par le Bénin Control Sa. Pourtant, il aura fallu un périple médiatique pour légitimer sa place. Seulement, quelques mois après la mise en application du programme, le gouvernement revient au devant de la scène pour révéler au contribuable béninois comment le programme occasionne un manque à gagner substantiel pour l’économie béninoise. Quoi ? C’est incroyable. Diabolisé à tous les vents, Bénin Control Sa se verra mis hors circuit. Le Pvi suspendu. L’on peine aujourd’hui à déterminer avec précision le programme qui est applicable au port du Bénin. C’est la résurrection de la douane. Ennemis hier des caisses de l’Etat, ils sont choyés aujourd’hui par le Chef de l’Etat. Comment peut-on mener une réforme avec une telle pagaille ? C’est insensé de jouer ainsi avec la vie des populations. Le dossier du coton est géré avec la même complaisance. L’association interprofessionnelle de Coton (Aic) qui gère le coton jusque là a été écarté du jeu pour une prise en main du dossier par le gouvernement. Le Chef de l’Etat se lance dans des prévisions qui ne lui ont pas porté chance depuis 2006, date de son arrivée à la tête du pays Bénin. Boni Yayi annonce une production de 500 milles tonnes à la fin de la campagne. Scandale. Comment un adulte peut-il dire chose pareille quand on sait que, malgré tous les moyens mis dans le coton et l’atmosphère paisible qui a prévalu au titre des campagnes précédents, jamais un chiffre pareil n’a été obtenu. A la limite, on se fiche du peuple béninois. Le coton, aujourd’hui rencontre tous les problèmes. Sabaï Katè ne dort pas. Le pouvait-il, d’ailleurs ? Si entre temps, il se contentait d’un file de véhicules pour parcourir les champs, depuis la semaine dernière, il lui un hélicoptère pour se déplacer. Tellement, le travail est énorme et l’avenir de la campagne incertain. Les cotonculteurs crient et demandent de l’insecticide que le gouvernement, pauvre de lui, malgré toute sa bonne volonté ne peut pas mettre à sa disposition. Les parasites attaquent déjà les champs quand l’on annonce l’arrivée de certains oiseaux malfaiteurs dans les champs du bassin cotonnier. Même la nature serait contre nous. Cependant, c’est cet environnement ennuyant fait d’incertitude et de doute que le Président de la république continue d’assurer une campagne florissante aux béninois. La promesse des 500 milles tonnes est toujours d’actualité.
Idem pour le monde des affaires
L’agitation avec laquelle sont conduits le Pvi et le coton ne sont que la caricature de la gestion des affaires économiques au Bénin. L’on parle de plus en plus d’une « guerre aux opérateurs économiques béninois ». Rodriguez a été le premier à gouter à la saveur de ce mode de gouvernance. D’autres suivront. Sébastien Ajavon de Cadjaf Common, premier après l’Etat dans la création d’emplois a jeté la clé sous le paillasson face à un redressement fiscal de 34 milliards. Patrice Talon ferme bientôt Bénin Control en envoyant au chômage un millier de jeunes. Ils sont, en effet plusieurs à être victimes de ce système qui empoisonne le monde des affaires au Bénin.
Alphonse Benoît QUENUM à ce propos
Encourager les créateurs de richesses et d’emplois et non les écraser
Si comme nous l’avons dit, l’Etat n’est pas le plus grand créateur de richesses et d’emplois, il a le devoir impérieux de créer les meilleures conditions pour favoriser la multiplication des créateurs d’emplois, leurs droits et l’efficacité de leurs initiatives. Notre pays a besoin d’opérateurs économiques crédibles qui ne doivent pas prospérer dans les compromissions mercantiles qui favorisent avant tout l’enrichissement personnel des hommes d’Etat et de leur clientèle inconditionnelle. Lorsqu’ils se mettent en relations douteuses et compromettantes avec les responsables d’Etat aux profits de ces derniers et au détriment du bien commun, ils savent eux-mêmes qu’ils s’exposent aux aléas de ces types d’échange. La sécurisation de leurs intérêts ne dure en général que le temps de l’entente et tant que l’acteur politique y trouve son compte personnel. Les opérateurs économiques ont naturellement des droits à protéger parce qu’ils sont avant tout des hommes d’affaires. Il faut aussi les protéger à cause de ce qu’ils apportent à la Nation. Mais ils doivent comprendre qu’ils ont également des devoirs de justice dont le plus important est de payer les impôts. Ce devoir, l’Etat ne doit le réclamer que dans la plus stricte légalité et non dans un jeu de rapport léonin qui finit par tuer la poule aux œufs d’or. La vengeance furibarde d’un chef d’Etat empêtré dans ses contradictions est rarement dans l’intérêt de la nation qu’il prétend défendre. Ce qu’il gagne et qui pourrait relever de la volonté de puissance ne pourra jamais remplacer le désarroi de ceux qui perdent leur emploi.
Dans le conflit qui oppose outrancièrement l’Aic (l’Association interprofessionnelle du coton) et l’Etat béninois, certains y lisent les effets d’un dépit amoureux entre deux fossoyeurs qu’il faut laisser s’enterrer. D’autres y voient la mise à nu des « pilleurs du peuple » à qui il faut faire rendre gorge. Je me refuse à m’enfermer dans ce regard machiavélique pour ne pas faire le jeu du triomphe médiatique des « experts en mensonge ». Car en réalité, les détenteurs du pouvoir public se prévalent de la raison d’Etat mais ils ne pensent qu’à leur intérêt du moment. Dans ce bras de fer où les opérations commando sur terre et sur mer semblent donner le change, il n’est pas sûr que la morale politique et les vrais intérêts de notre peuple y trouvent leur compte. Les solutions transitoires mises sur pied précipitamment assurent peu de garantie de voir l’Etat grandi et les intérêts des cotonculteurs véritablement protégés.
Il n’est pas non plus évident que les nouvelles qui parviennent du Bénin rassurent les investisseurs potentiels en prospection au moment des faits ou envisageant de venir s’installer. Car, pour ceux-ci, les tensions actuelles et les décisions hasardeuses nous éloignent plus des principes démocratiques et surtout des bonnes perspectives économiques qui peuvent en découler.
L’ordre des avocats par rapport à la situation
Au plan social, les syndicats et les associations sont réduits au silence et à la résignation, en raison des mesures arbitraires du Gouvernement ou des sévices et tortures exercées par les policiers et/ou les militaires sur leurs membres lors de divers mouvements de protestation. Ce qui est extrêmement grave, c’est que ces atteintes deviennent de plus en plus fréquentes et banales.
Mais en plus, des conflits d’attribution et des actes de violence s’observent entre différents corps de police et de défense.
Ainsi :
– dans la gestion de la crise du PVI, à la fin de l’année 2011, un douanier fut battu par des militaires au Port, des bureaux de douaniers défoncés par les mêmes militaires;
– à la suite d’un incident survenu dans la nuit du 7 au 8 juin 2012, au stade de l’amitié, un policier fut battu à sang par quatre militaires en faction. La presse rapporte à ce sujet, sans démenti des autorités gouvernementales, que lors d’une séance de concertation du haut commandement militaire avec les responsables de la police, un officier supérieur de l’Armée aurait menacé de «pulvériser» le Commissariat Central de Cotonou et le Palais de la Justice si des sanctions étaient prises à l’encontre des militaires auteurs des faits.
Au plan politique, le dialogue et les débats d’idées sont quasi inexistants. Les partis dits d’opposition n’ont pas libre accès aux médias de service public et les organisations politiques peinent à trouver le consensus nécessaire autour des questions prioritaires du fonctionnement de l’Etat, de la justice sociale et de l’expression démocratique notamment celle urgente de la correction de la LEPI.
Au plan économique, l’environnement des affaires souffre de la morosité ambiante, de la mal gouvernance, de l’instrumentalisation de l’administration fiscale. Le redressement fiscal devient l’arme pour inquiéter ou réduire au silence les acteurs économiques nationaux qui comptent et qui opèrent dans les secteurs d’activités légales. Cette situation contraint certains opérateurs économiques à délocaliser leurs activités dans d’autres pays de la sous-région et donc à procéder à des licenciements avec la large panoplie de répercussions sociales. En contrepartie, l’informel et l’illégal dont il serait inexact de soutenir qu’ils contribuent au fisc, occupent l’espace à l’échelle nationale, au vu et au su des autorités compétentes.
A l’analyse, les droits humains, notamment les droits civils, politiques sociaux et économiques, se révèlent la cible des actes attentatoires du Gouvernement de notre pays ou de certains fonctionnaires de l’Etat qui se sont mis au service de causes particulières contraires à leurs devoirs citoyens. Ces actes qui sont posés avec une fréquence inquiétante depuis quelques mois, dans l’indifférence craintive des forces vives de la Nation et dans le silence complice de la société civile, des élus et des partenaires au développement violent les fondamentaux de l’Etat de droit et portent gravement atteinte autant à la liberté des personnes qu’à la jouissance paisible de leurs biens.
Des interrogations légitimes
Alphonse Benoît QUENUM
Où en sommes-nous donc ? Nous en sommes à une insatisfaction générale. Nous avons dépassé le désenchantement et en sommes presqu’au désespoir et à la révolte qui sourde à la porte de l’impuissance du moment.
Où allons-nous ? Vers une catastrophe ou au pire vers un trou béant si chacun croit qu’il peut s’en sortir par le seul jeu de la sauvegarde de ses intérêts personnels. Cherchons alors de nouvelles raisons d’espérer en cessant de trafiquer avec notre propre avenir. Il faut s’engager à mieux penser nos problèmes, à en débattre de façon plus responsable sans se cacher derrière un silence démissionnaire sous le prétexte de la paix. Car celle-ci ne s’obtient jamais sans la prise en charge de la vérité. Qu’il ne soit pas dit un jour : « où étaient-ils ? »
Abbé Raymond Goudjo
Aimons-nous vraiment notre pays ? Pensons-nous vraiment à l’avenir de nos enfants ? Pourquoi n’avons-nous pas la grande simplicité, voire l’humilité de reconnaître nos erreurs et nos échecs pour mieux rebondir ? Faut-il encore continuer à suivre des chemins d’impasse ?