Les Centrales et confédération syndicales du Bénin ( Cstb, Csa, Cgtb, Cosi-Bénin), le Fonac, Social Watch Bénin, Fonac…avec l’appui du Projet d’Appui au Renforcement et à la Modernisation de l’Assemblée nationale ( Parman), ont planché les 29 et 30 octobre 2012 devant la commission budgétaire de l’Assemblée. L’exercice consistait pour les structures de la société civile de faire part aux députés et ce, avant le vote du projet de budget de l’Etat, des préoccupations qui sont les leurs. Leur analyse du projet de budget exercice 2013 se résume en ceci :« Il urge avant tout de créer les conditions de stabilité politique et sociale propices à la réalisation effective des prévisions pour 2013. Pour ce faire, rechercher la paix autant que cela dépend de chacun, est une condition sine qua none… » ; « Au-delà des chiffres, le peuple béninois veut la réalisation des prévisions : c’est cela l’essentiel »
Voici l’intégralité de leur proposition
Plaidoyer de la société civile : les propositions
Plaidoyer pour un climat social apaisé et un environnement des affaires stable
Aucun investisseur sérieux ne saurait être rassuré par la succession de scandales ou d’agitations, sur fond d’excès de zèles inutiles et de corruption, qui plongent les populations dans une angoisse permanente et semblent éloigner le Bénin de ses objectifs de développement.
I. Nous demandons au Gouvernement de mettre fin au cafouillage au sommet de l’Etat dans la gestion des dossiers sensibles relatifs à la gestion du partenariat public-privé en discernant les tenants et les aboutissants de chaque dossier et en veillant sur l’intérêt des populations béninoises à ce qu’il ne soit sacrifié sur l’autel des stratagèmes de spoliation de l’Etat dont sont complices des acteurs de l’appareil d’Etat.
II. Nous demandons au Gouvernement de nouer un dialogue sincère avec les opérateurs économiques, car il nous semble que leurs inquiétudes ont à peine été abordées dans le projet de Loi de finances, gestion 2013.
III. Nous demandons au Gouvernement de soutenir les opérateurs économiques en général et en particulier les nationaux afin d’éviter aux travailleurs béninois les pertes d’emploi qui résultent souvent de la fermeture de certaines entreprises ou de redressements fiscaux qui font plus de mal que de bien aux recettes de l’Etat.
IV. Nous demandons au Gouvernement de prendre les mesures suivantes pour supprimer les tracasseries administratives au moment du paiement des impôts, à savoir :
- l’institution du paiement électronique de certains impôts ;
- la collaboration avec les banques en vue de faciliter le paiement des impôts ;
- la multiplication des guichets de paiements au niveau des CIPES (Centres des Impôts des Petites Entreprises), CIMES (Centres des Impôts des Moyennes Entreprises), DGE (Direction des Grandes Entreprises) et les DDET (Directions Départementales de l’Enregistrement et des Timbres) ;
- l’utilisation des chèques non barrés ;
- la mise en place d’un bureau d’usagers rattachés à l’autorité dont les activités peuvent être suivies par les représentants de la société civile et du secteur privé ;
- l’institution d’une récompense (lettre de félicitation, décoration, trophées, etc.) aux meilleurs caissiers, agents du fisc choisis annuellement par les contribuables par recette d’impôts ;
- l’application effective de sanctions contre les agents auteurs de mauvais comportements et de faute professionnelle.
Plaidoyer pour la mise en valeur du foncier rural
Depuis une dizaine d’années, le phénomène d’accaparement des terres a pris de l’ampleur avec l’achat de superficies plus importantes dans les régions considérées comme des greniers du Bénin. Et ces terres restent inexploitées. Cette situation a été confirmée par de nombreuses études qui révèlent la non exploitation des terres fertiles et donc leur paupérisation. Pour corriger cette situation et accroître la production agricole, la loi n° 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime Foncier Rural en République du Bénin a consacré tout un chapitre composé de neuf (9) articles pour exiger la mise en valeur des terres rurales. Selon l
’article 73 de la loi du 16 octobre 2007, les propriétaires de terres rurales autres que l’Etat et les collectivités territoriales ont l’obligation de les mettre en valeur, sauf le cas où la qualité du sol nécessite un repos momentané dont la durée ne peut être supérieure à cinq (05) ans.
Mieux, l’élargissement de l’assiette fiscale passe par l’identification des niches d’impôts non recouvrées et l’institution d’un civisme fiscalEt c’en est une.
Au Gouvernement et au Parlement, nous demandons que :
V. Face à l’inexploitation des nombreuses terres rurales malgré les dispositions législatives contenues dans la loi n° 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bénin et en dépit de celles des articles 989 et 990 du CGI, il soit mis en place un impôt élevé, spécifique, applicable aux terres rurales, cultivables, non litigieuses et non exploitées de plus d’un hectare.
VI. En travaillant en collaboration avec les services domaniaux des collectivités territoriales et les services en charge du cadastre et de l’aménagement du territoire national l’élaboration d’un fichier exhaustif des terres rurales de plus d’un hectare non exploitées. Les services chargés de l’assiette et du recouvrement de cet impôt disposeraient d’un fichier de leurs contribuables.
Plaidoyer pour la non suppression de l’article 7 al.1 du CGI
L’élargissement du paiement de l’IRPP, quel que soit le revenu ne respecte pas la volonté du législateur de protéger les couches sociales vulnérables. Si le Parlement vote cette suppression, cela voudra signifier que le Législateur demande à tous les citoyens qui ont un revenu qui n’excède pas 300.000 F CFA, de s’acquitter de l’impôt minimum qui est de 200.000 F CFA ou de 10% du revenu net, s’il s’agit d’un revenu foncier.
VII. Nous demandons au Parlement et au Gouvernement, le maintien de l’article 7 al.1 du CGI pour sauvegarder le volet social de cet impôt
Plaidoyer pour le respect de la Déclaration d’Abuja et une diminution du budget de la défense et de la sécurité
En raison de l’implication personnelle de notre chef d’Etat en sa qualité de Président de l’Union Africaine, dans la gestion de la crise malienne, Social Watch et les autres OSC estiment, à juste titre, que le Bénin pourrait être potentiellement objet de représailles des mouvements islamistes et terroristes qui s’exportent au Sahel.
Les OSC invitent d’ailleurs le Gouvernement à être proactif et à prendre les mesures idoines pour contenir toutes menaces islamistes et terroristes. Toutefois, ceci ne devrait pas expliquer l’augmentation exponentielle du budget de la défense, encore qu’en dépit de l’arsenal militaire impressionnant des grandes puissances mondiales, elles ont toutes été touchées par des attaques terroristes. Donc la course aux armements ne saurait être une réponse appropriée aux problèmes sécuritaires qui doivent désormais privilégier la coopération régionale et internationale en matière des renseignements. En temps de paix, il ne paraît pas efficient de croître le budget de la sécurité et de la défense de 117%, alors même que le budget de la santé connaît une baisse et que la dette publique intérieure avoisine les 250 milliards FCFA.
VIII. Nous demandons que les budgets de la défense et de la sécurité respectent les prévisions référentielles de la SCRP 3, tant au niveau du compte central que du scénario alternatif ; donc une baisse des coefficients budgétaires relatifs à ces deux secteurs. Si l’augmentation est nécessaire, qu’elle soit progressive.
IX. Nous demandons une réallocation d’une partie du Budget de la sécurité pour le Ministère de la santé qui doit faire face à d’autres défis brûlants, tel que le RAMU (Régime d’Assurance Maladie Universel) qui semble avoir du plomb dans l’aile. Pour mémoire, la Déclaration d’Abuja a fixé à 15% la part du budget national à allouer au secteur de la santé. Malheureusement, le constat amer est que le budget de la santé est assuré dans une très forte proportion sur des financements extérieurs. Depuis quelques années, nous constatons une tendance baissière au niveau des allocations du Ministère de la Santé qui dénote d’un manque aigu de volonté politique d’atteindre les 15% du Budget à la santé.
Plaidoyer pour la durabilité des infrastructures routières : Nécessité du respect du Règlement N°14/2005/CM/UEMOA
Les investissements publics ne peuvent être considérés comme un gaspillage de nos maigres ressources que dès lors qu’ils sont durables aux yeux des populations. Malheureusement, ce n’est pas le cas des infrastructures routières. Si la lassitude a gagné les OSC quant à leur plaidoyer pour le bitumage des routes Akassato – Bohicon ou Comé – Dogbo), leur inquiétude est par contre grande par rapport au trafic auquel est soumise la route Kpédékpo – Dangbo d’une part, et l’arrêt des travaux de bitumage de la voie Parakou – Bérébouay.
Concernant l’arrêt des travaux de bitumage de la voie Parakou – Bérébouay, il ressort de nos investigations que cette voie se dégrade déjà avant sa livraison. Cette situation est due en grande partie au non respect par des transporteurs et des concessionnaires des postes de péage et de pesage des normes du Règlement N°14/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
X. Nous demandons au Gouvernement et surtout au Ministre des Transports d’obliger les concessionnaires de poste de péage et pesage, de doter les postes de ponts bascules, ou de réparer dans les brefs délais les ponts bascules défectueux. Le Ministre devra sanctionner les concessionnaires qui sont complices des excès de charges à l’essieu avec les transporteurs.
XI. Nous demandons au Ministre des transports le redémarrage des travaux de bitumage de l’axe Parakou – Bérébouay après la mise en place de dispositif fixe et mobile de contrôle de charge à l’essieu.
Plaidoyer pour une visibilité du contrôle de l’action gouvernementale sur certains contrats
Le développement durable recommande que les générations actuelles n’hypothèquent point les possibilités de développement des générations futures par le gaspillage des ressources. Les organisations de la société civile manifestent leurs inquiétudes face à des contrats ou conventions entre l’Etat béninois ou sociétés d’Etat et des opérateurs économiques sur plusieurs décennies.
C’est le cas de la convention relative au PVI-Nouvelle Génération avec Bénin control pour 16 ans dont on ne sait encore si la suspension de la convention ne porterait pas à court, moyen ou long terme préjudices aux caisses de l’Etat.
C’est également le cas de la licence d’exploitation pour 20 ans de technologie 3G obtenue par l’opérateur de téléphonie mobile MTN, suite à l’appel d’offres du gouvernement à l’endroit des cinq opérateurs Gsm.
Mais le cas qui interpelle c’est celui du Port sec de Tori. Selon le Décret N° 2011-793 du 09 décembre 2011 portant extension de la circonscription territoriale du Port de Cotonou au domaine du Port Autonome de Cotonou sis à Tori-Bossito, c’est à une société dénommée HEMOS-CIAT qu’est attribué le domaine du Port sec. Cette société assure la gestion administrative, matérielle et financière du Port Sec de Tori Bossito. La Convention entre le Port Autonome de Cotonou (PAC) et le promoteur de ce projet durera une période de 50 ans pour un coût de projet de 100 milliards. Curieusement ce promoteur de projet n’a pas les capacités financières et c’est le PAC qui devra l’avaliser pour le prêt de 100 milliards auprès des Banques. En termes clairs, le promoteur n’aura pas à débourser un seul FCFA. Aucun appel d’offre pour cet investissement de 100 milliards n’a été enregistré.
XII. Nous demandons aux Honorables Députés de prendre leurs responsabilités pour contrôler le dossier du Port Sec de Tori et d’autres conventions similaires.
Conclusion
La loi de finances est un document à travers lequel l’Etat définit la politique économique et fiscale au cours de l’année à venir. Ce qui explique toute l’attention dont elle fait l’objet au cours de la phase parlementaire par les acteurs sociaux.
L’étude du projet de Loi de Finances, gestion 2013 a offert l’opportunité à Social Watch Bénin et ses partenaires, de jeter un regard citoyen sur les prévisions budgétaires en recherchant si elles respectent les engagements du Gouvernement dans la lutte contre la pauvreté.
Au-delà des débats budgétaires, les populations espèrent que ce qui est prévu sera réalisé et que les allocations budgétaires soient conformes à leurs priorités.