RANCONNEMENT SUR LES AXES ROUTIERS DU BENIN :Les instructions de Benoit Dègla toujours en souffrance
(La suspension négociée de la grève des transporteurs a-t-elle des avantages ?)
Le ministre de l’intérieur et de la sécurité publique, quelques mois seulement après sa nomination a, le 20 Juin 2011 signé un document intitulé « directives relatives à la facilitation des transports de personnes et de biens sur les axes routiers en République du Bénin ». Plus d’un an après sa signature, ce texte n’a pas eu plus que la simple valeur d’une paperasse. La réalité est tout autre sur le terrain et le ministre, impuissant devant la situation n’a pour force que de se taire, manquant ainsi de saisir sa chance d’être ce ministre de l’intérieur et de la sécurité publique. La récente grève des transporteurs n’est venue que pour justifier la perte de cette bataille par le ministre Dègla. La suspension négociée de cette grève arrêtera t-elle la saignée ?
Projecteur sur la réalité sur le terrain
Les rançonnements continuent sur les axes routiers du Bénin. Pour se rendre à cette évidence, il ne faut juste que s’offrir un voyage sur les principaux axes routiers béninois tels l’axe routier Cotonou-Cotonou ou Cotonou-Parakou ou encore Cotonou-Hylacondji. En effet, à l’auto-gare de Dantokpa ce lundi 16 septembre 2012, alors que la grève battait son plein, les conducteurs de taxi sont tous unanimes : « les policiers et les routiers nous prennent de l’argent ». Les taximen rencontrés à l’auto-gare centrale de Parakou le samedi dernier ne se sont pas fait prier pour exprimer leur désillusion de la lutte engagées par le ministre Dègla. « Rien n’a changé ; c’est toujours la même situation » a confié Ismaïl SOUNON, l’un des chauffeurs interrogés. « Non seulement, il y a trop de postes de contrôle, mais il nous faut payer à chaque poste 200 ou 500 francs », explique Janvier HOUNSSOU, un autre chauffeur rencontré sur le même parc automobile. Jean ABALLO, un conducteur interviewé à la frontière d’Hilacondji ne fera des confidences similaires. Selon les propos de ces victimes d’une pratique instaurée par la mafia des gendarmes, routiers et policiers, « le rançonnement augmente en intensité ». « Ils inventent des infractions pour lesquelles les chauffeurs doivent payer des frais sans discuter » se lamente Pierre GBAGUIDI, un chauffeur faisant l’axe Cotonou-Parakou. Ce dernier ne put s’empêcher de nous conter son aventure d’il y a deux mois. « J’ai dépassé un routier, peu après Parakou sans m’arrêter. Il m’a laissé faire 10 km avant de me poursuivre. C’est finalement à Glazoué qui m’a rattrapé, vidé le minibus que je conduisais de ses passagers et fait ramener à Parakou. J’ai dû appuyer mes pardons et demandes d’excuses de 15 mille avant qu’il ne me laisse partir. Mon malheur a été de ne m’être pas simplement arrêté pour lui remettre ses 500 F et continuer tranquillement ma route ». Depuis cette mésaventure, Pierre GBAGUIDI ne défie plus l’autorité de ces agents quoiqu’il ait tous ses « papiers à jour ». « Le rançonnement est systématique à chaque poste de contrôle. Si tu as tes pièces à jour, les gendarmes te prennent 500f. Si tu n’es pas à jour, tu va payer beaucoup plus. Les policiers ne cherchent même pas à contrôler le véhicule. Il faut juste payer 200 francs et continuer ». «Combien le chauffeur gagne t-il pour payer tous ces frais », s’indigne le pauvre chauffeur. « En plus, ajoute t-il, nous ne payons même pas contre un reçu. On se demande toujours où va cet argent » se préoccupe un autre.
Les chauffeurs, auteurs de leur propre malheur
En réalité, ce sont les chauffeurs eux-mêmes qui offrent aux agents de sécurité, les chances de leur soutirer des sous. Si les routiers continuent par leur prendre de l’argent, c’est parce que les chauffeurs ne sont pas toujours à jour. Parmi eux, certains n’ont même pas de permis de conduire, ni aucune autre pièce du véhicule qu’ils conduisent. Il ya aussi les problèmes liés au surcharge qui font que le rançonnement continue. Par respect aux textes, les forces de l’ordre, face à de telles situations devraient saisir les véhicules et les envoyer aux fourriers. Pourtant, il n’en est rien. Ces agents indélicats préfèrent régler ce problème à l’amiable, proposant aux conducteurs de payer une moindre somme que celle qu’ils devraient débourser, une fois les véhicules arrêtés. Cet acte est, tout de même écœurant du moment où il expose la vie des passants à toutes les risques possibles. L’on rencontre en effet, des véhicules qui n’ont plus satisfait aux formalités de visite techniques depuis des lustres. L’on en rencontre également qui roulent, à tombeau ouvert sans assurances. Ce sont donc ces cercueils roulants que la police et la gendarmerie nationales autorisent à parcourir nos axes contre une pièce de 200 F ou 500 F.
Les passagers, témoins de tout… mais impuissants
Dans le rang des passagers, spectateurs impuissants des scènes de rançonnement, ce sont les arrêts intempestifs qui sont dérangeants. Sur le même sujet, un confrère a rapporté les propos de l’un d’entre eux. « Ces arrêts nous font perdre pas mal de temps sur la voie», s’insurge Vladimir, un agent des BTP qui emprunte régulièrement la voie Parakou-N’dali. Il a relaté les propos d’un policier à l’endroit d’un chauffeur au poste de contrôle situé à la sortie nord-est de Parakou. « Tu ne veux pas alimenter le poste ? », lance le policier sans se soucier de qui pouvait l’entendre. D’accord, continua t-il, les passagers, débrouillez-vous pour aller dans la ville, la voiture doit rester ici ». Alimenter le poste : c’est bien ce que font tous les chauffeurs lorsqu’ils arrivent à un poste de contrôle. D’un geste presque toujours identique, la main fermée du chauffeur s’ouvre dans celle de l’agent qui se referme aussitôt.
Le commandant de brigade adjoint (CBA), le commandant De SOUZA de la gendarmerie de Parakou affirme que la brigade routière veille à la mise en application desdites directives. Il est prévu 10 postes de contrôle routier sur toute l’étendue du territoire et il ne doit pas y avoir plus de deux postes sur la compétence territoriale d’une compagnie de gendarmerie. C’est dire que la brigade routière de Parakou ne peut affecter des agents à plus de deux postes simultanément. De même, un véhicule contrôlé à un poste ne doit plus l’être au second poste et les deux postes doivent être distants d’environ 100 km. Mais dans la pratique, le CBA relève des insuffisances. « En effet, dit-il, le respect de cette distance de 100 km constitue souvent une difficulté majeure pour la réalisation des constats au cas où des accidents survenaient sur la route. Car ce sont les agents chargés du contrôle routier qui doivent faire les constats. Pour cela, nous envoyons souvent des agents à un troisième poste, mais les véhicules ne sont pas contrôlés à ce poste ». Le CBA nous révèle aussi que les conducteurs ne respectent pas les clauses contenues dans ledit document. « Certaines personnes utilisent les véhicules personnels pour faire le transport en commun. Or il est interdit à tout véhicule n’ayant pas la plaque d’immatriculation jaune de faire le transport public. Aux lendemains de la publication de ces directives, nous avons arrêté près de 150 véhicules utilisés dans le transport public avec des plaques inadéquates. 120 autres ont été arrêtés pour faute de visite techniques et/ou d’assurances». Aux dires du CBA, la tâche ne leur est pas toujours rendue facile car les pressions fusent de partout. « Des gens nous ont menacé disant que nous ne sommes pas de Parakou. D’autres usent de leur relation avec les autorités pour échapper aux sanctions ». A tous les véhicules non en règles, il a été donné un moratoire pour régulariser leur situation. Ce moratoire a expiré le 22 Novembre dernier. Du côté des forces de l’ordre, le CBA reconnaît que tout n’est pas pieux et reste catégorique. « Le rançonnement est interdit sur les axes routiers ». Martèle-t-il. « Aucune transaction financière ne doit s’opérer entre l’agent en poste et les conducteurs. Nous faisons des descentes pour relever les déviances de la part des agents. Plusieurs ont déjà été relevés de leurs postes ». Aussi, selon la disposition N°5 des directives, seules les brigades routières sont habilitées à assurer le contrôle routier. La police et la brigade territoriale sont chargées d’assurer la sécurité. A ce titre, ils doivent normalement prendre service à 19h, après le départ des routiers. Ils ne doivent, en aucun cas demander les pièces des véhicules encore moins prendre de l’argent au motif que le véhicule ne soit pas en règles. Mais il est courant de voir les policiers sur nos routes, de jours comme de nuit. Le commandant CBA conclut « qu’il revient aux chauffeurs de refuser de se faire contrôler en cas de non respect de cette disposition ». Mais pour cela, il faut que les véhicules soient en règles et non surchargés car ce sont toutes ces infractions qui entretiennent le rançonnement. C’est une complicité entre chauffeurs et agents de l’ordre. Par cet acte, c’est l’autorité du ministre Dègla qui est défiée et le voilà, désormais plus petit que les fraudeurs. Benoit Dègla est sur le point de manquer la réussite du projet qui aurait pu faire de lui, un ministre de l’intérieur de l’intérieur, un homme dont le passage ne s’effacerait pas rapidement de la mémoire des hommes quand on sait qu’il a, plus échoué que réussi dans la sécurisation de nos frontières, nos marchés et nos axes routiers. Mais, il est encore temps de changer la donne en se faisant plus ferme sur les engagements pris devant le peuple béninois.