Sortir la nuit à Parakou est devenu un véritable souci pour les usagers de certains axes routiers. Par ces temps de forte chaleur dans la région septentrionale du pays, les clients de la seule société béninoise, fournisseur de l’énergie électrique ne savent plus où donner de la tête. Promoteurs de radios et de cybers cafés ; gérants de bar-restaurants ; imprimeurs et gestionnaires de centres de photocopie ; tenanciers de centres de soin et artisans n’ont plus de voix pour dénoncer une situation qui ne risque de ne demeurer que telle. Un alibi est toujours trouvé et brandi pour soumettre les abonnés au silence ; le délestage actuel serait lié à une panne intervenue au Centre Electrique du Bénin (Ceb).
L’après prologue
La SBEE continue de troubler le sommeil de ses clients et le bout du tunnel n’est pas pour bientôt. Et pour cause, les coupures répétitives de l’énergie électrique ont repris de plus bel, occasionnant de véritables désastres économiques dans le rang des commerçants et des ouvriers béninois. La situation de Parakou est criarde. Une panne électrique au niveau du Centre Electrique du Bénin(Ceb) sis au Togo serait à la base de ce délestage, engendrant une regrettable situation dans tout le pays et même dans le nord du Togo. Ici à Parakou, c’est le paroxysme de la désolation dans le rang des populations. Les commerçants et les ouvriers sont les plus attristés d’entre cette classe de désespérés qui, pour la plupart ne savent pas à qui confier leur affliction. Nous avons bien voulu les écouter. Cet exercice, amusant au départ a montré la teneur des coupures sur l’économie locale. Les quartiers Arafat, Gare et Tanza nous ont servis d’échantillon dans le cadre de ce reportage.
Comment la SBBEE tue l’économie locale
L’indisponibilité à plein temps de l’énergie électrique n’arrange personne. Bio Gounin, un soudeur de profession bien connu à Tranza nous a confié encaisser journellement entre 50 et 60 milles francs en moyenne. Or, a s’est-il plaint, « j’ai perdu toute la journée du dimanche à cause de cette coupure ; et ça reprit encore le lundi, le mardi aussi ; et depuis, ça ne s’est plus arrêté ». Les chiffres avancés par Eric Dossa, Ismaël Bigou, également soudeurs respectivement aux quartiers Tranza et Gare se situent entre 40 et 50 mille francs. Pourtant, le nombre de soudeurs exerçant dans la ville de Parakou s’élève à des centaines. D’autres secteurs d’activité nécessitent également l’énergie pour le fonctionnement de leur entreprise. Les radios de la place ne se plaignent plus de la situation quand bien même que plusieurs de leurs contrats publicitaires ne soient plus respectés. Les imprimeries souffrent également le martyr de ces coupures. Certaines d’entre elles ont évoqué « des retards dans les livraisons des commandes », « les dommages causés aux machines par ces coupures ». « Il y a trop de problèmes » a jeté l’un des promoteurs d’imprimerie de la ville. Les gérants de Cyber café de la ville sont aussi concernés par l’affaire. « Nous faisons ici un chiffre d’affaire de 45 mille en moyenne par jour ». « Mais avec l’avènement de ces délestages, les recettes ont juté ».
Et, ils sont nombreux à se plaindre
Les gérants des centres de photocopieuse du village universitaire de Parakou savent mieux que quiconque que lorsque le jus est coupé, c’est des sous que l’on perd. Une vingtaine de centres de photocopieuses sont, en effet crées en face de l’Université de Parakou. « Des fois, on gagne jusqu’à 300 milles francs par jour ; mais aussi des fois, on trouve 100 milles mais on trouve toujours plus de 50 milles ». Ce témoignage d’un gérant de centre de photocopie n’a pas été contesté par les autres. D’ailleurs, l’une des responsables d’amphi nous a révélé qu’il est « commandé trop de photocopie par jour ». « Une classe, dans laquelle vous être par exemple 300 et que vous devez chacun faire la photocopie d’un document de 30 pages ; ça fait déjà 300 f par étudiant donc 90 mille pour un seul amphi ». Or, l’Université de Parakou compte 29 amphis à raison de 4 à la Fac de Droit, 4 à la Faseg, 5 en Agronomie, 7 en Médecine, 12 à l’Iut et 3 à l’Ecole d’épidémiologie. Le petit calcul montre que les gérants de ces centres de photocopie éparpillés un peu partout dans la ville, gagnent des millions de nos francs par jour. Mais malheureusement, l’instabilité du réseau électrique constitue un frein à cet enrichissement.
L’indifférence des autorités locales
Malgré les plaintes et les dénonciations constantes qui fusent de partout, les autorités en charge de la gestion de la Société Béninoise de l’Energie Electrique sont encore loin de comprendre la peine des consommateurs de ce service public. Ces autorités, pour la plupart comptent sur ce que le monopole de la distribution de l’électricité restera encore pendant longtemps sous la direction de l’Etat. Pour cela, ils n’hésitent même à conseiller aux plaignants de recourir à d’autres sources d’énergie s’ils le veulent. Ce point de vue, déjà exprimé à maintes reprises sera confirmé par Assan Bareck GARBA, le Directeur Régional Borgou-Alibori de la SBEE. « Il existe plusieurs formes d’énergie : l’énergie solaire, l’énergie éolienne, les groupes diesel, les lampes tempêtes, … », nous a-t-il jeté à la face le vendredi 21 Octobre de l’an dernier avant de conclure que « si la plupart des béninois préfèrent l’énergie de la SBEE, c’est parce qu’elle est moins chère ». Par ces allégations le directeur réitère la philosophie restée jusque là, celle de la plus haute sphère de cette société anonyme. A partir de ce moment, les abonnées n’ont plus de force que celle de se soumettre à la rigueur de leur partenaire dont l’humeur conditionne la disponibilité de l’énergie. Tous les alibis sont bons pour taire les critiques ; celui d’à présent est tout trouvé : une panne à la Ceb au Togo. Pendant ce temps, les factures continuent de grimper inexorablement. Pourtant, se sont plaints les clients, « on ne gagne jamais un procès contre la SBEE ». La loi de la jungle est toute simple : « que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cours vous rendront blanc ou noir ». Alors, abonnés de la SBEE, vous subissez ou vous démissionnez.