Joseph DJOGBENOU n’entend pas être ce citoyen qui laisse arriver les choses sans régir. Il garde toujours le statut de cet ardent défenseur des libertés publiques. Aussi, n’a-t-il manqué aucune occasion au cours des récents comportements nocifs aux droits humains notés dans les démarches de nos gouvernants pour donner l’alerte. Si des combats comme celui pour une Lépi fiable n’ont malheureusement pas été remportés, celui sur une révision opportuniste de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 est, pourtant à mettre à son actif. C’est également dans la même démarche de solidarité qu’il a lancé depuis ce week-end un nouveau concept « Tous, prêts pour la prison ! », non seulement pour rappeler au gouvernement en place que Me Lionel AGBO ne devrait pas être inquiété pour avoir joui de sa liberté d’expression mais surtout pour appeler les citoyens béninois à une prise de conscience. Car, a-t-il l’habitude de le dire, « Cela n’arrive pas qu’aux autres… ».
Lisez sa déclaration
1. Le développement de l’actualité nationale commande à tous les citoyens béninois d’être prêts à aller en prison. La démocratie béninoise est réellement simplement menacée.
2. Le vendredi 21 septembre 2012, Monsieur Lionel Agbo, Avocat au Barreau du Bénin, homme politique et ancien candi
dat à la présidence de la République, est interpellé pour des propos qu’il aurait tenus à l’occasion d’une conférence de presse animée par lui. Cette conférence de presse à laquelle, toute la presse audiovisuelle avait été conviée, n’a finalement été traitée que par la chaîne de télévision Canal 3.
Déjà le jeudi 20 septembre 2012, le Directeur de l’office de radiodiffusion et de télévision du Bénin (Ortb), s’est souvenu, et fort opportunément, que cette chaîne de télévision émettait à partir d’un domaine et des installations appartenant à « sa télévision », ce qui, à ses yeux et aux yeux de ses mandants, l’habiliterait à interrompre la diffusion des émissions de Canal 3. L’argument commercial étant plus que convenu.
3. Ainsi donc, un homme politique est interpellé, non pour avoir pris les armes, mais pour avoir accompli l’acte politique le plus noble dans une démocratie en construction : exprimer son opinion.
Une chaîne de télévision est privée d’émission pour avoir, au fond, servi de moyen d’expression à cet homme politique et pour avoir osé, avec fréquence et constance, relayer les opinions que le gouvernement et son chef n’aiment pas entendre.
4. L’on ne s’est plus aperçu, d’une part, que l’acte accompli par Monsieur Lionel Agbo relevait de l’expression de son opinion, et aussi inquiétante que fut celle-ci pour le chef de l’État et les « siens », le délit d’opinion n’existe plus dans la législation béninoise et que même, placé sur le terrain de la diffamation et de l’offense au chef de l’État, la procédure excluait toute privation préventive de liberté.
D’autre part, que le directeur de l’Ortb pour peu qu’il ait « sa télévision », n’a aucune habilitation, à moins de commettre une voie de fait, pour, proprio motu, arrêter les émissions d’une chaîne de télévision privée, les organes juridictionnels et les autorités indépendantes ayant, en vertu de la loi, seuls prérogative à procéder ainsi.
5. Ces actes, relevant des abus pathogènes des pouvoirs contestés et illégitimes, relèvent, malheureusement d’une banalité inadmissible dans un pays au passé démocratique héroïque. A l’État de paix, on substitue un État de peur. A la place de l’État de droit, l’on construit un État de police. La corruption gangrène tout le système. Les menus fretins exposés ne sont pas poursuivis, même sur le fondement d’une loi dite de « lutte contre la corruption » dont on se rend compte qu’elle n’est que stimulant pour la concussion. Le peuple est insulté au quotidien, intimidé, divisé. Lorsque l’insulte émane du chef de l’État, au moyen d’expressions grossières et familières, les thuriféraires considèrent qu’il a « parlé vrai » et les suppôts du régime prétendent n’avoir rien entendu. S’aperçoit-on seulement que pour les parents soucieux de l’éducation de leurs enfants, les interventions annoncées de certaines autorités au sommet de l’État relèvent désormais du régime familial appliqué aux documents interdits au moins de … 25 ans !
6. Après les chars dans les rues, les colonels dans les entreprises, les hommes d’affaires harcelés alors que les jeunes sont au chômage et les citoyens condamnés à la pauvreté, les leaders d’opinion sont menacés d’emprisonnement.
7. En ces circonstances de déni de démocratie et de mépris du droit, la réponse la plus vile est la résignation. Chacun doit se dévouer à préparer l’avenir et, résolument, à considérer que la survie d’un peuple est dans sa force à éviter de transformer l’erreur en règle. Citoyen libre dans cette République libre du Bénin, nul ne doit plus craindre l’emprisonnement. Le craindre, c’est se taire. Et se taire, est bien suicidaire, pour chacun, et pour tous. Lorsque l’espace public est bâillonné, la prison devient, à bien des égards, un havre de liberté et le terreau de la résurrection.
8. Le temps de la mobilisation pour les libertés a encore sonné. Et il faut prier le Dieu de ceux qui nous dirigent afin qu’il accorde au procureur de la République, l’intelligence nécessaire à l’ouverture d’une procédure régulière contre Lionel AGBO afin que publiquement, il soit discuté de « l’offense au chef de l’État », de la corruption au sommet de l’État, de la concussion ; qu’il soit publiquement jugé aussi bien de la présidence de la République que de la présence dans la République. Prions, pour que cette conférence judiciaire de presse ait lieu. Mais soyons tous, désormais prêts pour la prison !
Cotonou, le 22 septembre 2012,
Joseph Djogbenou