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 Le Bénin vu par un jeune 

A Propos De Moi !

  • Christophe D. AGBODJI
  • Journaliste, Ecrivain
Auteur de "La chute du mur de Karakachie"
;  "Le changement, l'autre nom de l'impossible"; En préparation: "Je n'étais pas au pays à l'heure du changement"
  • Journaliste, Ecrivain Auteur de "La chute du mur de Karakachie" ; "Le changement, l'autre nom de l'impossible"; En préparation: "Je n'étais pas au pays à l'heure du changement"

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 18:47

la réalité                     D            La population de poissons décimée ; des vies humaines en danger.

La police sanitaire entre négligence et complicité.

La place Hubert Maga de Parakou n’est plus fréquentée comme jadis. Certains habitants de la ville dénoncent la nauséabonde odeur qui empeste désormais les environs. D’autres regrettent la disparition des poissons vivant naguère dans cette mare qui coule au dessous du pont situé à l’entrée de la ville. Jardiniers, pêcheurs, mineurs et propriétaires des maisons situées aux abords de l’eau puante ne savent plus à quel saint se vouer. Ils ne se contentent plus que de regarder d’un impuissant œil accusateur l’agence-Parakou de la Société béninoise de brasserie (Sobebra) et le Complexe Textile du Bénin (Coteb) ; ces deux usines dont les eaux usées sont directement rejetées dans la mare. Celles-ci s’estiment en porte-à-faux face à cette accusation et crient au scandale. Pourtant, une profonde investigation nous a permis de nous rendre compte que les deux sociétés polluent dangereusement l’environnement sans une réaction de la police sanitaire. Après 8 mois d’investigation, nous vous livrons ici toute la vérité sur l’assassinat en douceur d’une population dont les conditions de vie se détériorent de jour en jour.

Des rumeurs à la réalité

eau polluéeLes habitants de la zone située à l’entrée sud de la cité des Kobourou peinent depuis quelques mois à respirer. Une odeur repoussante se dégage, en effet du cours d’eau traversant cette partie de la ville. Jadis, malgré la petitesse de l’étendue d’eau, elle était le nid de poissons que jalousaient les pêcheurs. On les retrouvait, ces pêcheurs avec leurs hameçons les samedi et dimanche soirs aux abords de cet étang. Depuis, la page est tournée. Arouna est l’un de ses amateurs de pêche à l’hameçon. Nostalgique, il se rappelle la belle époque avant de jeter entre deux soupirs que « tout est fini maintenant ». Bernardin, l’un de ses copains est également désolé du fait que l’eau ne contienne plus aujourd’hui que des « grenouilles ». Touré a son jardin à proximité du cours d’eau soupçonné de contenir des substances toxiques. « Quand on utilise l’eau pour arroser les fleurs, elles jaunissent ». Plus loin, dans la carrière de granite, les travailleurs se plaignent aussi. « Nous n’arrivons plus à respirer ici ». Bio, l’un de ses écraseurs de pierres nous a révélé que le vieux cultivateur du coin récolte « des épis pourris » sur les tiges de maïs situés le long du cours tracé par le Coteb afin de permettre à ses eaux usées de se jeter plus loin dans la mare. Pourtant, les autres épis portent curieusement de « très gros épis », selon les expressions utilisées par Bio pour décrire la grandeur de la récolte. Un intrant inconnu aurait-il provoqué cette moisson abondante ? Qu’est-ce qui tue les poissons à la place des pêcheurs ? Pourquoi l’eau de la mare devient de plus en plus  désagréable ?

Nul, à Parakou ne se préoccupe de ces interrogations, ni des dénonciations constantes des populations. C’est alors que votre journal a fait analyser ces eaux. Les chiffres sortis du laboratoire sont stupéfiants.

Le regard scientifique du Dr Abou Youssouf et des spécialistes de l’Epac

la réalitéA l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (Epac), certain spécialiste des questions liées à l’eau nous a reçus. Ce technicien qui a requis l’anonymat, après lecture du résultat des analyses nous a regardés longuement avant de nous adresser. « Vous voulez savoir si la Sobébra et le Coteb polluent » et de continuer après une pause, « oui, ils polluent et la Sobébra est pollueur que le Coteb ». Il se jettera après ceci dans un calcul qui dura plusieurs minutes ; ce qu’il dira après est effrayant. « La norme acceptée au Bénin en demande biochimique en oxygène est de 25 mg/L alors que les analyses montrent que la Sobébra est à 1.200 mg/L pour 250 mg/L. C’est scandaleux ! », a-t-il commencé avant de continuer, inquiet. « La demande chimique en oxygène est 4.000 mg/L chez la Sobébra pour 900 mg/L chez le Coteb pour une moyenne acceptable de 125 mg/L ; le Ph est de 10,1 et 9,5 respectivement chez Sobébra et Coteb alors qu’il devrait être à, au plus 8,5. La valeur moyenne de l’oxygène dissous devrait être 4 alors qu’elle est de 1,61 chez la première société pour 0,93 chez la seconde. Toutes les valeurs sont anormales » jettera t-il, essoufflé. Or, rencontré un peu plus tôt, M. Sarè Chabi Kandi, le Chef brigade (Cb) de la police sanitaire Borgou-Alibori estimait que ces « résultats n’étaient pas aussi graves que ça ».

Pour le Dr Abou Youssouf de la Faculté des Sciences Techniques (Fast) de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), la valeur élevée de la Dbo et de la Dco peut s’expliquer par une « trop forte quantité de matière organique au niveau de la Sobébra ; elle est relativement moindre au niveau du Coteb ». L’homme de l’Epac dira que « les deux usines ont un Ph très basique ». Cela signifie concrètement, selon les explications données par Dr Abou Youssouf que « les eaux usées rejetées par la Sobébra et le Coteb contiennent beaucoup de matières organiques ». Ce sont ces matières organiques qui se sont décomposées en « dérivés azotés comme les nitrates et les nitrites et en dérivés phosphorés comme les phosphates ». Le jaunissement des fleurs, dira le Dr Youssouf pourrait être expliqué par la présence de plusieurs autres substances qu’il faudra rechercher par d’autres analyses. Mais la disparition des poissons peut s’expliquer aisément par l’eutrophisation. C’est l’augmentation de la masse des débris organiques et nutritifs dans une eau stagnante, qui entraîne une baisse de la quantité d'oxygène dissous. Ce phénomène se produit lorsque la température atteint un degré élevé ; le cas chez la Sobébra et le Coteb. Le Ph des deux structures est anormal et pourrait justifier la disparition de la gent animale puisqu’il y a « rejet d’une grande quantité d’oxygène le jour mais la nuit, les algues vont capter l’oxygène et rejeter une grande quantité de gaz carbonique ». Toute chose qui constitue un suicide pour les poissons. « Les pesticides, les insecticides contenus dans le coton, matière première du Coteb  pourraient être à la base de cet état de chose », conclura Dr Abou Youssouf. Pourtant, M. Zinsou, le Chef Production de l’usine de Parakou estimait en décembre 2010 que « tout ce que fait la Sobébra est réglementaire; ceux qui disent que la Sobebra pollue ne savent pas de quoi ils parlent ». Qui dit alors vrai entre un producteur qui estime prendre toutes les précautions et un scientifique qui, après analyse affirme qu’il y a pollution ?

Une eau polluée qui, pourtant arrose les légumes

champs-de-legumes-arrose-par-les-eaux-usees-copie-1.JPG« Moi, je n’utilise plus cette eau pour arroser mes fleurs », expliqua le jardinier. Néanmoins, celui-ci nous indique du doigt quelques uns de ses voisins qui s’en servent pour arroser leurs légumes. En effet, la vieille jardinière, la cinquantaine dont le vaste champ de crincrin est situé de l’autre côté du tas de sable fait usage à plein du liquide à polémique. Elle a fait tracer partout dans le champ des rigoles afin de faire serpenter l’eau polluante à travers les sillons. Plantations de cannes à sucre et champs de crincrins absorbent une partie de cette eau durant son passage. Rapprochée, elle refuse de répondre à nos interrogations. Sait-elle, seulement que ces dizaines de paniers de légumes qu’elle envoie dans les marchés de la ville peuvent rendre malades ? Certainement pas. Mais les pollueurs, eux, le savent immanquablement. Mais qui sont-ils, ces pollueurs?

Identité des pollueurs

Au Bénin, la Sobébra, au lieu d’être la seule entreprise de fabrication de boissons, en est la plus grande. Officiellement, elle a un capital social de 2 milliards de francs Cfa. Mais, l’on sait également que le producteur de « La béninoise », une bière dont raffolent les uns et les autres, a plus de 20 milles distributeurs répartis sur toute l’étendue du territoire national. Certaines indiscrétions ne disent-elles pas que les nigériens, les togolais et les nigérians viennent au Bénin s’approvisionner cette fameuse « béninoise » ? L’usine de Parakou a également une grande capacité de production. Tellement, la demande est forte.sortie-eaux-usees-sobebra.JPG

Alfa Salifou Ousmane, en fin d’étude à la Faculté de Science Economique et de Gestion (Faseg) de l’Université de Parakou (Up) a travaillé sur les ventes promotionnelles des produits Sobébra. Dans son étude dirigée avec rigueur par les docteurs Bonaventure Boyi et Bertrand Sogbossi, il a été réalisé un sondage portant sur 13 points de vente ; 8 font un chiffre d’affaire journalier situé entre 40 et 60 milles en période ordinaire alors que ce chiffre d’affaire est situé entre 60 et 80 milles en période de promotion. Or, cette étude n’a porté que sur la promotion de Flag spécial et Castel Beer alors que la bière, la plus consommée au Bénin est la Béninoise. Si la moyenne est donc de 50 milles, il est possible que la Sobébra fasse un chiffre d’affaire de plusieurs centaines de millions par mois. Et à  l’étudiant, prophétique de regretter le retard technologique de cette entité de production. « Il est grand temps pour les dirigeants de la Sobébra de penser à transformer progressivement ses usines de production en acquérant des techniques à la pointe de la technologie ». N’est-ce pas ce retard technologique qui met aujourd’hui la Sobébra au cœur de cette polémique environnementale ?

Par ailleurs, le Coteb, l’autre usine de production au cœur du scandale est une entreprise d’Etat qui, au regard de sa participation à la pollution de l’environnement constitue aujourd’hui plus un danger qu’une entité à créer de la richesse. Le dernier chiffre d’affaire officiel connu remonte à l’an 2000. Il est de 826 millions, cité par Edouard Sounon en 2011 dans son mémoire de soutenance de Licence professionnelle à l’Institut Universitaire de Technologie (Iut) de l’Up. C’est une entreprise sujette à de grosses difficultés. Au cours de la dernière visite du ministre de l’industrie au dernier trimestre 2011, une plaidoirie avait été lancée par l’administration en vue d’une subvention de 1 milliard 673 millions 750 milles francs nécessaires à sa relance. Le gouvernement béninois sait-il seulement que cet argent servira plus à rendre malades les populations qu’à engendrer des bénéfices ?

La police sanitaire entre négligence et complicité

Les moyens de la police sanitaire sont limités pour faire le boulot pour lequel elle est commise. Dès les premières rumeurs sur une éventuelle pollution du cours d’eau, notre première démarche a été de nous rendre à la direction départementale Borgou-Alibori de la Police sanitaire. C’est M. Sarè Chabi Kandi, le Chef brigade (Cb) de la police sanitaire Borgou-Alibori qui nous reçoit en personne. Il affirme avoir inspecté les installations incriminées en 2010 sans avoir découvert rien de compromettant. « Les eaux subissent un traitement dans l’usine avant d’être rejetées » a-t-il certifié. C’est pourquoi, la police sanitaire « prend avec des pincettes » tout ce qui se dit sur ces eaux, vu qu’« elle n’a pas les moyens pour aller faire les analyses » a déduit le Cb. Ces moyens, nous, nous sommes allés les chercher. Près de deux mois après, nous retournions dans les locaux de la police sanitaire, non seulement pour nous assurer qu’elle a enquêté sur le drame mais également pour porter à son attention le résultat de l’analyse que nous avons faite. Son appréciation nous était opportune. Notre constat est consternant. Le commandant parcourt la fiche que nous lui avons remise avant de rassurer. « Ce n’est pas aussi grave que ça » a-t-il lâché avant de continuer, « lorsque l’eau est déversée, elle subit plusieurs balayages sur son parcours ». Comprendre le Cb revient à accepter que la présence des substances toxiques révélées par l’analyse n’est pas le fait des usines accusées. « L’odeur est due aux différents éléments qu’elle balaie sur son parcours » ; « on ne peut pas dire que c’est une eau propre, elle contient des substances mais si elles étaient infectées… ». A dire vrai, les propos du policier semblent difficiles à comprendre. D’abord, « les eaux subissent un traitement » et ne devraient donc pas être sujets d’inquiétudes; ensuite, « on ne peut pas dire que c’est une eau propre ; elle contient, certes des substances. Mais si elles étaient infectées ». Ce discours, venant d’un policier qui s’occupe de la santé publique ne peut pas rassurer le citoyen quand les scientifiques certifient l’infection de l’eau. Pourquoi alors cette contradiction dans les propos ? De toutes les façons, au cours de cette deuxième entrevue, le Cb s’est souvenu de l’existence d’un partenariat entre la Police sanitaire et la direction de l’hydraulique. Ce partenariat devrait permettre à la police sanitaire de faire les analyses, sinon gratuitement, mais tout au moins à prix forfaitaire. Il promet de les faire. Toujours est-il que les résultats de ces analyses, s’ils étaient faits n’ont jamais été révélés.

La Sobebra fuit le sujet ; le Coteb joue à l’apaisement

Encore à l’étape de simples rumeurs, nous avons demandé à rencontrer les autorités des deux structures. A la Sobebra-Parakou, c’est M. Zinsou, le Chef Service Production de l’usine de Parakou qui est le porte-voix idéal. Il est, pourtant décrit comme étant très fermé. Nous sommes, malgré tout parvenus à avoir son contact. Comme attendu, il refuse de nous donner la moindre information sur les activités de la structure. « Il n’y a pas d’informations ici ; vous devez aller à Cotonou ». Seulement, a-t-il jeté, irrité par la pression que « tout ce que fait la Sobébra est réglementaire ; nous ne déversons pas seulement les eaux dans la ville. Elles suivent un traitement », a-t-il crié avant de nous rappeler le passage de la police sanitaire sur leurs installations. Après analyse des eaux usées, nous avons tenté, en vain de le joindre à nouveau. Peine perdue. Direction Cotonou ; ici, c’est le même calvaire. « Vous devez suivre la procédure » ; « Prenez rendez-vous » ; « attendez-vous qu’on vous rappelle ». Toujours est-il que jusqu’au moment où nous mettions sous presse cet article, aucune autorité de la Sobebra n’a accepté piper mot sur la question.

Les autorités du Coteb n’ont pas joué au même jeu que celles de la Sobebra. Le directeur nous reçoit, assisté de plusieurs autres de ses collaborateurs. Il évoque son bassin de décantation dès que nous abordons le sujet. Pourtant, ce bassin est dans un état lamentable et hors d’usage depuis plusieurs années. Il ne nie pas un éventuel cas de pollution quoiqu’assurant que le Coteb prend toutes les précautions afin d’éviter la survenance de tels évènements. D’ailleurs, il annonce l’arrivée imminente d’inspecteurs sur les installations de l’usine dans le cadre d’un contrôle périodique. Se réfère t-il à la police sanitaire ? Si c’est elle, rien à espérer puisqu’elle commence par donner l’impression de ne rien remarquer lors de ses inspections

Qui s’occupe de la santé des béninois… ?

bassin-de-decantation-coteb.JPGPersonne n’écoute les parakois qui, pourtant depuis plusieurs mois se plaignent de la situation. La disparition des poissons n’est plus la véritable quintessence de leurs complaintes. Ils se soucient plutôt de l’écœurante odeur dégagée par ces eaux mais également aussi des maux que peuvent causer aux populations la consommation des légumes arrosés par ces eaux. Dans une ville où les cas d’intoxication alimentaire sont encore récurrents ; une région dans laquelle, le taux de pathologies comme la fièvre typhoïde, la diarrhée augmente en flèche, il faut s’inquiéter. La structure devant faire le boulot joue à un jeu flou. Ça fait très bizarre que la police sanitaire n’ait rien remarqué lors de son contrôle ; ce contrôle que brandit d’ailleurs fièrement comme preuve M. Zinsou, le Chef production comme pour dire : ‘’ que vient chercher un journaliste là où la police est déjà passée ? ‘’. Le ministre Benoit Dègla est interpellé à plus d’un titre. Il faut rassurer les populations qu’elles peuvent encore compter sur la compétence des agents de sécurité. Le ministre Blaise Ahanhanzo Glèlè doit jouer utile en renforçant le mécanisme de contrôle des installations industrielles. Une action concertée des ministres Dègla, de la sécurité publique, Ahanhanzo de l’environnement, Gazard de la santé et Séphou du commerce permettront de rappeler à l’ordre les pollueurs. On peut encore accepter l’augmentation du prix d’achat d’une bouteille de boisson ou d’un mètre de tissus mais que ces frais supplémentaires servent à moderniser les machines afin de réduire la pollution de nos eaux.

la réalité
par Christophe D. AGBODJI

 


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commentaires

G
<br /> l'indifférence est ce qui le remarquable dans le commun des dorigeants beninois. il nya pas d'elections en vue, la population ne compte pas encore. ils ont l'art de déplacer les problèmes au lieu<br /> de les résoudre.<br /> <br /> <br /> merci à vous pour ce cri de coeur citoyen.<br /> <br /> <br />  <br />
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